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dâs, ou, comme dirait le sanscrit, Tulcidâsa, le servitEUR DE TULCI, nom de l'ocymum sanctum, espèce de basilic, qualifié de saint, parce qu'une jeune et belle nymphe, aimée de Krishna, fut métamorphosée dans ce végétal odorant, où le Dieu embauma un frais souvenir d'amour dans la suave émanation des fleurs.

Ainsi, l'Inde eut ses Ovide, comme elle eut ses Homère.

Tulcî-dâs vécut dans le seizième siècle depuis la naissance du Christ; il fut une métempsychose, ou plutôt une métemsômatose de Vâlmiki suivant une légende, et cette fable nous montre bien à quel haut degré son poème est élevé dans l'admiration des Indiens modernes.

Le Râmâyana de Tulcî-dâs est partagé, comme le Râmâyana de Vâlmîki, en sept tomes, et les titres de part et d'autre sont les mêmes, hormis l'Adikânda ou tome premier, qui est intitulé Balakânda ou le tone de l'enfance, et l' Youddhakânda, l'Iliade, à vrai dire, de cette grande épopée, ou le tome des combats, qui porte dans l'œuvre de Tulct-dâs le titre de Lankâkânda

ou le tome de Lankâ, c'est à savoir, des événements arrivés pendant le siége devant les murs et dans la ville assiégée. Les variantes si légères de ces deux titres n'impliquent donc pas le moindre changement, soit dans la marche du poème, soit, comme on peut le préjuger sans trop de témérité, dans l'invention des matières.

En effet, nous pouvons dès ce moment prononcer un jugement tout-à-fait éclairé sur les deux Soundarakândas, mettre celui de Tulci-dâs en parallèle avec celui de Vâlmîki et conclure ainsi du tout par l'une de ses parties; car la France indianiste possède, grâces an longs travaux de M. GARCIN DE TASSY une belle traduction du Soundara de Tulci-dâs dans son Histoire de la littérature hindoui et hindoustani (1), un de ces monuments, à l'égard desquels la reconnaissance des savants contemporains n'acquitterait pas notre époque, si la gloire n'était une rente perpétuelle inscrite sur le Grand-Livre de la postérité.

Tulci- dâs, à l'ouverture de son chant, nous montre Hanoûmat s'acheminant déjà

(1) Tome II, pages 215 et suivantes.

vers la mer, qui sépare du continent asiatique l'île de Ceylan ou de Lanka; il manque entièrement des cinq intéressants premiers chapitres, qui forment l'introduction au tome charmant de Vâlmîki.

« Il y a. dit-il, au bord de l'Océan, une belle montagne; Hanoumân (1) y monta en jouant. »

Ce peu de mots remplace dans le poète imitateur ou copiste tout le troisième chapitre du poète original et le commencement du quatrième, amplification large et brillante, dont Tulcî-dâs ne donne pas même ce qu'on puisse appeler avec justesse l'ar

(4) M. de Tassy écrit Hanuman, et nous Hanoûmat. Les personnes, qui ne savent pas le sanscrit, doivent naturellement supposer que le mot a subi une altération, en passant d'un langage dans un autre : non! il est pur et correctement orthographié chez lui comme chez nous; seulement, nous laissons à la forme non déclinée ce que M. de Tassy met au nominatif. Ainsi, pour examiner ce mot dans son ensemble et dans ses parties, hanou et hanoû, en latin maxilla, est employé indifféremment avec ́ la voyelle u (prononcez ou), soit longue, soit brève à la seconde syllabe; ensuite Hanoumân ́ou Hanvûmán, disous-nous, est le nominatif singulier d'Hanoûmat, forme non déclinée.

gument ou le sommaire. Ce qui va maintenant se dérouler sous nos yeux, c'est un fait extraordinaire, auquel Vâlmîki plus judicieux prépare d'abord l'esprit de son lecteur par l'extraordinaire de son personnage. Il peint ce grand acteur avec des proportions merveilleuses, qui font trembler et se fendre la montagne, s'écrouler et se briser les plus gros des rochers.

Arrivé sur le faîte, Hanoûmat dilate encore ses dimensions titaniques; et c'est une précaution, dont la vraisemblance épique sait gré à la saine physique du poète on sent qu'une telle masse ne peut surnager l'air, à moins qu'elle ne distende son volume en long comme en large, et ne distribue supportablement son poids sur toute la surface augmentée.

A peine Hanoûmat dans Tulcî-dâs a touché la mer, que celle-ci personnifiée vient présenter au voyageur son invitation hospitalière. Vâlmîki place beaucoup mieux cet épisode, qu'il met, non au début, mais au milieu de la traversée n'est-ce point là en effet que la mer doit plus naturellement offrir au messager de Râma une relâche et une collation?

:

Nous attendrons nous-même un instant qu'il y soit arrivé pour mettre en parallèle ces deux parties de nos deux tableaux.

La première aventure d'Hanoûmat est sa rencontre avec la fausse Rakshast. D'abord, Tulci-dâs nous a donné cet épisode, en le dépouillant tout-à-fait de son préambule nécessaire; ensuite, cet incident est raconté dans Vâlmiki avec plus de rondeur, de naïveté, de verve, et scellé d'un cachet, dont les reliefs et la forme signalent visiblement à nos yeux le caractère d'une antique légende.

« L'Océan, dit maintenant Tulcî-dâs, l'ayant reconnu pour le messager de Râma, ordonna au mont Maïnak de travailler à écarter de lui la fatigue.

SORTHA (1).

Lorsque le mont Maïnak eut entendu les paroles de l'Océan, il fut attentif; et, les mains jointes, il salua plusieurs fois Hanumân.

(4) Nom d'un råguinî et d'un petit poème hindoui sur un mètre particulier. Ce mot dérive du sanscrit so râshtra, SURATE, nom de la contrée, où était usité le chant ainsi nommé. (M. Garcin de Tassy.)

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