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immodéré, et pourtant solide, se reproduit dans les moindres détails, dans les moindres dépendances.

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Mais la bibliothèque l'emporte, s'il est possible, sur le reste. Elle est hexagone et surmontée d'une coupole légèrement azurée. Des boiseries, des armoires brillantes d'ornemens et de filets d'or moulu, garnissent la moitié de son pourtour. Sur les rayons on n'aperçoit que des reliures riches ou élégantes. Le choix des ouvrages annonce un discernement exquis. Parmi les moralistes, je découvre une superbe édition des œuvres de Lavater traduites en anglais. Des divans, des siéges commodes dispersés de tous côtés, s'offrent à la lecture, à la méditation, à la causerie. Tout ce qui peut occuper ou distraire a été réuni dans ce beau lieu, propre à l'étude ou au doux loisir. Trois grandes croisées l'éclairent. Elles donnent sur un paysage ravissant. Le premier plan est coupé de sentiers tracés avec art, qui circulent au sein d'un parterre émaillé de fleurs. Chacun d'eux va se perdre dans le parc, ou gagner la Dee qui le traverse dans toute son étendue, coulant à pleins bords parmi de riantes prairies. Des massifs d'arbustes, des bosquets, des arbres isolés, des futaies se déta

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chent sur les gazons ou bien sont réfléchis par le cristal des eaux. Dans le lointain les montagnes bleues du Flintshire se dessinent à l'horizon. C'est un tableau immense, varié, délicieux; les prestiges de l'art s'y mêlent aux beautés de la nature je ne me lassais pas de l'admirer. Mon attention en a été détournée par la préoccupation de la ménagère qui nous conduisait, et des deux valets de pied dont elle était suivie. Depuis plusieurs jours une hirondelle est entrée dans cette bibliothèque, et l'on ne peut l'en bannir. Le respect qu'inspire tout être doué de la vie, a empêché jusqu'à présent de chercher à la tuer. Ce serait d'ailleurs assez difficile. L'emplacement est si grand, le plafond si élevé, et la messagère du printems a tant d'agilité, qu'on ne saurait l'atteindre sans courir le risque de causer quelque dommage. Cependant on craint qu'elle ne tache quelque étoffe, quelque boiserie. C'est une perplexité incroyable. Elle va, vient, se perche sur une tringle, sur une corniche; puis, effarouchée, elle voltige vers un nouvel appui pour se reposer encore. Pauvre prisonnière! que d'efforts pour retrouver la liberté qu'on aurait tant de plaisir à lui rendre! Tout est ouvert. Une fois nous avons cru qu'elle

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était partie. Un crochet imperceptible l'a ramenée dans l'intérieur; et la joie qui éclatait déjà s'est dissipée. Si mylord arrivait, que dirait-il? ne serait-il pas troublé dans la solitude qu'il aime? Il faut connaître les égards, la déférence, le respect d'un serviteur anglais envers ses maîtres, son dévouement mercenaire, pour se faire une juste idée de la perturbation qu'un accident pareil doit occasioner, dans toute la domesticité de la maison.

Revenus dans le vestibule, un livre nous a été offert avec prière de nous y inscrire. Lord Grosvenor désire savoir quels voyageurs ont visité Eaton-Hall. Leurs noms ne lui suffisent pas. L'on a ordre d'insister pour obtenir les détails les plus précis. Quoique sa noble demeure, tout empreinte de formes gothiques, ne date que de huit ans, cet album est déjà volumineux. Il ne renferme pas seulement de vaines désignations individuelles. La reconnaissance de l'hospitalité passagère qu'on a reçue, y est souvent exprimée soit en vers soit en prose, et l'on y trouve des pensées philosophiques ou sentimentales, inspirées par cette magnificence de bon goût, par les douceurs de la vie champêtre, et le spectacle de cette campagne pittoresque.

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La principauté de Galles touche presque à la ville de Chester. Long-tems indépendante, elle n'est aujourd'hui, comme l'Écosse et l'Irlande, qu'une annexe du Royaume-Uni. Protégée par ses limites naturelles, défendue par l'énergie de ses chefs et la valeur de ses guerriers, elle avait résisté aux Saxons et aux Normands. Si quelques revers étaient venus la frapper, elle les avait rachetés par des tributs dont, bientôt après, ses armes l'avaient affranchie. La soumission à laquelle n'avaient pu la réduire les chances des combats, des invasions sans cesse repoussées et payées de terribles représailles, elle la dut à des rivalités entre ses princes. Pour échapper à la rébellion d'un de ses fils, Lewellyn qui régnait au commencement du treizième siècle, eut recours à Henri III, et acheta sa sécurité en se reconnaissant vassal de l'Angleterre'. Ce joug ne tarda pas à devenir insupportable. Quelques tentatives furent faites pour le secouer. Édouard Ier acheva de l'imposer 2. La noblesse le reconnut pour souverain; et l'introduction de quelques lois anglaises modifia mo

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mentanément les habitudes nationales. Mais, calmée en apparence, l'ardeur belliqueuse du peuple n'était pas éteinte. Les hauts-faits des héros gallois vivaient dans des poésies qui entretenaient le feu sacré. Un jour, ces chants patriotiques, cette glorieuse mélodie de la victoire auraient pu allumer de nouveaux incendies. Les bardes qui les récitaient, rassemblés sous un vain prétexte, furent tous massacrés '. Dès lors, et comme si une basse flatterie eût pu expier cet acte de cruauté, l'héritier du trône d'Angleterre reçut le titre de prince de Galles, investiture sanglante, perdue désormais dans l'abîme des siècles écoulés. L'union des deux pays subit encore des altérations, selon que les impôts étaient plus ou moins onéreux. Henri VIII la consomma; et l'animosité des deux nations, alors fort affaiblie, se dissipa entièrement.

Le pays de Galles est hérissé de plusieurs chaînes de montagnes entrecoupées de ravins et de précipices. Ses rochers, ses grottes, ses cascades, tous les accidens d'une nature sauvage et romantique y créent des sites enchanteurs. Bien qu'en hiver des neiges séjournent sur ses

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