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Sir Frédéric Madden, conservateur en chef des manuscrits au Musée Britannique, à Londres, et M. F. Churchill, professeur de langue et de littérature anglaises à l'École normale supérieure et répétiteur à l'École polytechnique, à Paris, m'ont plus d'une fois aidé de leurs conseils et de leur érudition.

Je les prie d'accepter mes publics remerciments.

I

INTRODUCTION.

Ce n'est pas une réhabilitation que nous voulons tenter. Il y a dans les jugements de la postérité une solennelle et suprême justice que ce tribunal emprunte au calme et au désintéressement de ses membres; il faut de l'indulgence et des égards pour les vivants; on ne doit que la vérité aux morts. Pour nous désormais, la couronne brillante du Paradis perdu environne d'un si bel éclat la figure de l'aveugle Milton, que sous cette lumière disparaissent les rides et le rire satirique du pamphlétaire; la renommée glorieuse de Milton poëte a étouffé le mérite très-réel de Milton prosateur. Rien de plus juste. L'esprit humain n'a pas de triomphes

plus légitimes que ceux qui lui viennent des travaux poétiques; aucun guide ne le conduit plus sûrement que la divine Poésie plus près de Dieu, et le poëte mérite entre tous la reconnaissance et le respect. Mais qui pourrait compter ce qu'il faut, pour remplir cette noble tâche, de pénétrantes et profondes études, de culture désintéressée et de généreuses émotions? Toute la vive et sincère piété de l'âme la plus religieuse, toute la chaleur du cœur le plus généreux, tous les rayons du plus lumineux esprit, supposez qu'un seul homme réunisse en lui seul tous ces dons, cela ne sera pas trop encore pour former un grand poëte. Milton a accepté la mission tout entière. Avant de se renfermer dans son beau poëme, il a consacré sa vie à de sérieux travaux de politique; pas une des grandes idées qui agitaient son siècle ne lui est restée étrangère, et sa plume ardente a constamment soutenu tous les principes dans la défense desquels l'avenir de sa patrie était engagé. Il a tout sacrifié à l'accomplissement de ce grand devoir; si la discussion et la lutte se sont trouvées quelquefois nécessaires pour soutenir ses doctrines, il n'a pas hésité à y descendre, malgré ses instincts poétiques et ses douces inclinations; il a été publiciste et pamphlétaire avant d'être poëte. Or, chacun sait quelles ressources d'esprit et quelle force d'âme exige un semblable rôle, sévère

ment accepté. Ardent patriotisme, généreux désintéressement, sincère amour des hommes, toutes ces mâles vertus ont de bonne heure ouvert et préparé le cœur de Milton aux plus sérieuses et aux plus profondes inspirations de la poésie. Il ne pourra pas nous être inutile d'assister à un si riche enfantement; nous tirerons de ce spectacle de grandes et utiles leçons; nous apprendrons à respecter davantage et le poëte et la poésie. A ce titre seul de commentaire du Paradis perdu, le travail que nous tentons nous a semblé ne pas devoir manquer d'un véritable intérêt.

Mais ce n'est pas tout. L'Histoire littéraire est devenue chez nous une source féconde de connaissances et d'idées nouvelles pour l'historien et le philosophe; déjà M. Villemain, dans plusieurs belles leçons sur la littérature du dix-huitième siècle, a fait voir quels intimes rapports ont uni pour quelques années, après ses deux révolutions, l'Angleterre à la France, et comment des espérances et des besoins pareils ont créé pour ces deux pays une sorte de vie commune, foyer d'idées généreuses et libérales, berceau de notre dixhuitième siècle. La pensée nous est venue d'étudier ces glorieuses origines, c'est-à-dire d'interroger un à un les principaux écrivains de l'époque républicaine, en commençant par Milton, le plus célèbre, le plus

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