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DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES,

DES ARTS ET DES MÉTIERS,

PAR UNE SOCIETE DE GENS DE LETTRES.

Mis en ordre & publié par M. DIDEROT, de l'Académie Royale des Sciences & des Belles-
Lettres de Pruffe; & quant à la PARTIE MATHEMATIQUE, par M. D'ALEMBERT,
de l'Académie Royale des Sciences de Paris, de celle de Pruffe, & de la Société Royale
de Londres.

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AVERTISSEMENT

DES

EDITEURS.

'Empreffement que l'on a témoigné pour la continuation de ce Dictionnaire, est le feul motif qui ait pû nous déterminer à le reprendre. Le Gouvernement a paru defirer qu'une entreprise de cette nature ne fût point abandonnée; & la Nation a ufé du droit qu'elle avoit de l'exiger de nous. C'est fans doute à nos collegues que l'Encyclopédie doit principalement une marque fi flatteufe d'eftime. Mais. la justice que nous favons nous rendre ne nous empêche pas d'être fenfibles à la confiance publique. Nous croyons même n'en être pas indignes par le defir que nous avons de la mériter. Jaloux de nous l'affûrer de plus en plus, nous oferons ici, pour la premiere & la derniere fois, parler de nous mêmes à nos lecteurs.. Les circonstances nous y engagent, l'Encyclopédie le demande, la reconnoiffance nous y oblige. Puiffions - nous, en nous que nous fommes, intéreffer nos concitoyens en notre faveur! Leur volonté a eu fur nous d'autant plus de pouvoir, qu'en s'oppofant à notre retraite, ils sembloient en approuver les motifs. Sans une autorité fi refpectable, les ennemis de cet Ouvrage feroient parvenus facilement à nous faire rompre des liens dont nous fentions tout le poids, mais dont nous n'avions pû prévoir tout le danger.

montrant tels

Des circonstances imprévûes, & des motifs qui nous feroient peut-être honneur, s'il nous étoit libre de les publier, nous ont engagé malgré nous dans la direction de l'Encyclopédie. Ce font principalement les fecours que nous avons reçûs de toutes parts, qui nous ont donné le courage d'entrer dans cette vafte carriere. Néanmoins, quelque confidérables qu'ils fuffent, nous n'afpirions point au fuccès; nous ne demandions que l'indulgence, Mais c'est l'effet, nous ne dirons pas de la malignité, nous dirons feulement de la condition humaine, que les entreprises utiles, avec quelque modeftie qu'elles foient propofées effuient des contradictions & des traverses. L'Encyclopédie n'en a pas été exempte. A peine cet Ouvrage fut-il annoncé, qu'il devint l'objet de la fatyre de quelques écrivains à qui nous n'avions fait aucun mal, mais dont nous n'avions pas crû devoir mendier le fuffrage, Si quelques gens de lettres font parvenus par cet art méprifable à faire louer au commencement du mois des productions qui font oubliées à la fin, c'eft un art que nous faifons gloire d'ignorer. En effet qu'il nous foit permis de le remarquer ici, fans déguisement, fans fiel& fans application: aujourd'hui dans la république des Lettres, le droit de louer & de médire eft au premier qui s'en empare; & rien n'y eft plus méprisable que l'ineptie des fatyres, fi ce n'eft celle des éloges.

Dès que le premier volume de l'Encyclopédie fut public, l'envie qu'on avoit eu de lui nuire, même lorfqu'il n'exiftoit pas encore, profita de l'aliment nouveau qu'on lui présentoit. Peu fatisfait elle-même des bleffures legeres que les traits de fa critique faifoient à l'Ouvrage, elle employa la main de la Religion pour les rendre profondes; elle eut recours, pour lui fervir de prétexte, à un petit nombre d'expreffions équivoques qui avoient pû facilement fe perdre & nous échapper dans deux volumes confidérables. Nous ne chercherons point à juftifier le fens qu'on a voulu attacher à quelques-unes de ces expreffions: nous dirons feulement & nous ferons voir (a) qu'il étoit peut-être facile & jufte d'y en attacher un autre ; mais il eft plus facile encore d'envenimer tout. D'ailleurs celles de ces expreffions qui avoient choqué le plus, étoient tirées d'un ouvrage eftimé, revêtu d'un privilége & d'une approbation authentique (b), loué comme édifiant par nos critiques même, elles fe trouvoient enfin, ce qu'il nous importe fur tout de remarquer, dans des articles dont nous n'étions point les auteurs, ayant juge à propos de nous renfermer prefque uniquement, l'un dans la partie mathématique, l'autre dans la defcription des Arts, deux objets dont l'orthodoxie la plus fcrupuleufe n'a rien à craindre. Quelques morceaux qu'avoit fourni pour l'Encyclopédie l'auteur d'une Thefe de Théologie dont on parloit beaucoup alors, fuffirent pour nous faire attribuer cette These, que nous n'avions pas même lue dans le tems qu'on s'en fervoit pour

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cheicher à nous La déclaration que nous faifons ici perfuadera les honnêtes
perdre
mais c'es
à qui notre n'eft pas fufpecte. Elle n'est peut-être que trop connue; un
malheur dont nous ne nous affligerons point, & un défaut dont nous ne pouvons nous re-
pentir. Nous ne doutons pas néanmoins que malgré une proteftation fi folennelle, fi libre &
fi vraie, quelques perfonnes ne foient encore refolues à n'y avoir aucun égard. Nous ne leur
demandons qu'une grace, c'eft de nous accufer par écrit, & de fe nommer.

L'Encyclopédie, nous en convenons, a été le fujet d'un grand fcandale; & malheur à celui par qui il arrive; mais ce n'étoit pas par nous. Auffi l'autorité, en prenant les mefures convenables pour le faire ceffer, étoit trop éclairée & trop jufte pour nous en croire coupables. En prévenant les conféquences que des efprits foibles ou inquiets pouvoient tirer de quelques termes obfcurs ou peu exacts, elle a fenti que nous ne pouvions, ni ne devions, ni ne voulions en répondre; & fi nous avions à pardonner à nos ennemis, c'est leur intention feulement & non leur fuccès.

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Cependant, comme l'autorité la plus fage & la plus équitable peut enfin être trompée, la crainte d'être expofés de nouveau nous avoit fait prendre le parti de renoncer pour jamais à la gloire pénible, legere, & dangereufe d'être les éditeurs de l'Encyclopédie. Newton, rebuté autrefois par de fimples difputes littéraires, beaucoup moins redoutables & moins vives que des attaques perfonnelles & théologiques, fe reprochoit au milieu des hommages de fa nation, de fes découvertes & de fa gloire, d'avoir laiffé échapper fon repos, fubftance d'un philofophe, pour courir après une ombre. Combien notre repos devoit-il nous être plus cher, à nous que rien ne pourroit dédommager de l'avoir perdu! Deux motifs fe joignoient à un intérêt fi effentiel: d'un côté, cette fierté jufte & néceffaire, auffi éloignée de la préfomption que de la baffeffe, dont on ne doit jamais ni fe glorifier ni fe défendre, gens de parce qu'il eft honteux d'y renoncer, qu'elle devroit faire fur-tout le caractere des lettres, & qu'elle convient à la nobleffe & à la liberté de leur état; de l'autre, cette défiance de nous-mêmes que nous ne devons pas moins reffentir, & le peu d'empreffement que nous avons d'occuper les autres de nous; fentimens qui doivent être la fuite naturelle du travail & de l'étude; car on doit y apprendre avant toutes chofes à apprécier les connoiffances & les opinions humaines. Le fage, & celui qui afpire à l'être, traite la réputation littéraire comme les hommes; il fait en jouir, & s'en paffer. A l'égard des connoiffances qui nous fervent à l'acquérir, & dat la jouiffance & la communication même eft une des reffources peu nombreuses que la nature nous a menagées contre le malheur & contre l'ennui, il eft permis fans doute, il eft bon même de chercher à communiquer aux autres ces connoiffances; c'eft prefque la feule maniere dont les gens de lettres puiffent être utiles. Mais fi on ne doit jamais être affez jaloux de ce bien pour vouloir s'en réserver la poffeffion, on ne doit pas non plus l'eftimer affez pour être fort empreffé d'en faire part à perfonne. Qui croiroit que l'Encyclopédie, avec de tels fentimens de la part de fes auteurs, peut-être avec quelque mérite de la fienne (car elle eft fi peu notre bien, que nous en pouvons parler comme de celui d'un autre) eût obtenu quelque foûtien dans le tems où nous fommes? dans un tems où les gens de lettres ont tant de faux amis, qui les careffent par vanité, mais qui les facrifieroient fans honte & fans remords à la moindre lueur d'ambition ou d'intérêt; qui peut-être, en feignant de les aimer, les haïffent, foit par le befoin, foit la crainte qu'ils en ont. Mais la vérité nous oblige de le dire ; & quel autre motif pourroit nous arracher cet aveu? Les difficultés qui nous rebutoient & nous éloignoient, ont difparu peu-à-peu, & fans aucun mouvement de notre part: il ne reftoit plus d'obftacles à la continuation de l'Encyclopédie que ceux qui auroient pû venir de nous feuls; & nous euffions été auffi coupables d'y en mettre aucun, que nous étions excufables de redouter ceux qui pouvoient venir d'ailleurs. Incapables de manquer à notre patrie, qui est le feul objet dont l'expérience & la Philofophie ne nous ayent pas détachés, raffûrés surtout par la confiance du Miniftere public dans ceux qui font chargés de veiller à ce Dictionnaire, nous ne ferons plus occupés que de joindre nos foibles travaux aux talens de ceux qui veulent bien nous feconder, & dont le nombre augmente de jour en jour. Heureux, fi par notre ardeur & nos foins, nous pouvions engager tous les gens de lettres à contribuer à la perfection de cet Ouvrage, la nation à le protéger, & les autres à le laiffer faire. Difons plutôt à faire mieux; ils ont été les maîtres de nous fuccéder, & le font encore. Mais nous ferions fur-tout très-flattés, fi nos premiers effais pouvoient engager les Savans & les Ecrivains les plus célebres à reprendre notre travail où il en eft aujourd'hui ; nous effacerions avec joie notre nom du frontifpice de l'Encyclopédie pour la rendre meilleure. Que les fiecles futurs ignorent à ce prix & ce que nous avons fait & ce que nous avons fouffert pour elle ! En attendant qu'elle jouiffe de cet avantage, qu'il nous feroit facile de lui fi procurer, nous étions les maîtres, tout nous porte à redoubler nos efforts pour en affûrer de plus en

par

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