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léges spéciaux sur les meubles, et enfin du classement des priviléges.

Il nous a semblé, en lisant la première et la dernière partie de son œuvre, que M. Taillefer était peu favorable aux priviléges généraux, les restreignant le plus qu'il pouvait dans l'interprétation des textes qui leur sont relatifs, les faisant passer, dans le clássement des priviléges, après les priviléges spéciaux sur les meubles. Cela tient sans doute à la manière dont il apprécie les motifs qui ont fait admettre les priviléges généraux. Ainsi, l'auteur admet trois causes générales de priviléges: « La première cause, dit-il, est l'impossibilité où se trouvent certains créanciers de prendre des sûretés pour leurs créances, et de sauvegarder ainsi leurs propres intérêts », et il ajoute : « tous les priviléges de l'article 2101, sauf les frais de justice, peuvent être regardés comme dus à cette cause générale. Certaines considérations viennent s'y joindre, qui augmentent l'intérêt qu'inspirent les créances énumérées en cet article, expliquent d'autant mieux qu'elles soient garanties par des priviléges, et rendent jusqu'à un certain point raison de l'ordre où la loi les a placées. » A la différence de M. Taillefer, nous croyons que ces considérations dont il parle, et qui ne sont autres que des considérations d'humanité et de haute moralité, et qu'il n'ad-met que comme accessoires, sont la cause déterminante dès priviléges généraux de l'article 2101. Aussi nous montrerions-nous plus volontiers favorable à ces sortes de privilèges qui garantis→ sent le payement des soins donnés, ou des secours fournis à la personne du débiteur ou à sa famille, et des devoirs rendus à sa dépouille mortelle. Sans doute les priviléges ne doivent pas être étendus, et l'on doit se montrer sévère dans leur admission; mais il faut, avant tout, en cette matière comme en toutes les autres, s'efforcer d'entrer dans la pensée du législateur, de pénétrer l'esprit de la loi, pour en appliquer justement le texte.

Or, la pensée du législateur a été éminemment favorable aux priviléges généraux, par les motifs que nous avons indiqués; et cette pensée s'est révélée, soit dans la discussion au Conseil d'Etat, l'exposé des motifs, les rapports relatifs à l'article 2101, soit dans le texte même du Code.

Les priviléges généraux s'étendent d'abord à toute la fortune du débiteur, mobilière ou immobilière, sans distinction, puis ils priment les priviléges spéciaux sur les immeubles (art. 2105 du Code Nap.); or, s'ils priment ces derniers, pourquoi ne prime

raient-ils pas également les priviléges spéciaux sur les meubles ? Ce n'est d'ailleurs qu'à défaut de mobilier que les priviléges généraux s'exercent sur les meubles. Nous n'ignorons assurémnent pas la force de l'argument tiré de l'art. 662 du Code de procéd. civ., et dont on se sert pour ouvrir la voie à tous les priviléges spéciaux, à la suite de celui du locateur. Mais cet argument nous paraît un peu forcé. De ce que, en effet, le Code de procédure dispose que le locateur ne sera pas primé par certains frais de justice (les frais de poursuite), lorsque le privilége général sera en concours avec le sien propre (sans doute), conclure que le privilége du locateur doit passer avant tous les autres, n'est-ce pas vraiment abuser de l'argumentation ? Quelle est donc cette cause si favorable qui doit prévaloir sur les plus hautes considérations d'humanité et de moralité ? Si l'on admet ce système, qui n'a pas de base dans notre Code civil, il faut soutenir que le Code de procédure a changé complétement sur ce point le classement des priviléges adopté par le Code civil, et cela au moyen d'une disposition tout à fait accessoire. Mais si nous n'admettons pas le classement suivi par M. A. Taillefer, nous devons reconnaître que c'est le plus généralement suivi aujourd'hui.

La dissertation de M. A. Taillefer doit prendre place, nous l'avons dit, parmi nos bonnes thèses de droit civil; il est à regretter seulement que l'auteur, qui, en plusieurs endroits, a montré qu'il connaissait le droit romain et notre ancien droit, n'ait pas cru devoir faire précéder sa dissertation d'un historique. C. GINOULHIAC.

REPERTOIRE METHODIQUE ET ALPHABETIQUE DE LEGISLATION, DE DOCTRINE ET DE JURISPRUDENCE, en matière de droit civil, commercial, criminel, administratif, de droit des gens et de droit public, par MM. DALLOZ, 1. XIV. Paris, au bureau de la Jurisprudence générale, rue de Seine, 34, 1853.

Le tome quatorzième du grand ouvrage de MM. Dalloz, qui forme le vingt-sixième déjà paru, est un des plus importants, sous le triple rapport du droit civil, du droit criminel et du droit public. On y trouve, en effet, réunis, la fin du contrat de mariage, c'est-àdire le traité complet du régime dotal, qui n'occupe pas moins de quarante feuilles, le traité des contraventions, celui de la contumace, de la copie de pièces, des crimes et délits contre les person

nes, et enfin le traité des cultes, qui se compose à lui seul de trente-neuf feuilles. Le volume entier en a cent dix-neuf; c'est donc, en même temps que l'un des plus importants, l'un des plus considérables du Répertoire de MM. Dalloz.

Nous ne nous occuperons pas aujourd'hui du traité du régime dotal, nous proposant d'y revenir dans un travail général d'appréciation de tous les commentaires ou traités du contrat de mariage qui ont été publiés en France depuis quelques années, et de tous les travaux qui s'y rattachent. Nous ne nous arrêterons pas non plus aux deux autres traités des contraventions et des crimes et délits contre les personnes, sur lesquels nous reviendrons; nous nous bornerons seulement à dire que M. Nicias Gaillard, premier avocat général à la Cour de cassation, a eu une large part au premier, et que la collaboration de cet éminent magistrat doit suffire pour appeler l'attention spéciale de nos lecteurs sur le traité des contraventions.

Quant au traité des cultes, c'était, sans contredit, un des plus importants et des plus difficiles, et c'est le plus complet qui ait été -fait jusqu'ici sur cette matière délicate, où tant d'intérêts et tant de droits, sans parler des prétentions, se trouvent en présence. Le traité des cultes comprend, en effet, tout à la fois les rapports du citoyen avec l'Etat relativement à la liberté de conscience et des culles, les rapports des cultes reconnus avec l'Etat et entre eux, et enfin l'organisation propre et spéciale de chacun des cultes reconnus : du culte catholique, du culte protestant, du culte israélite. Un chapitre consacré aux sépultures ou inhumations, qui tiennent à la fois au droit ecclésiastique et au droit administratif, termine et complète le traité des cultes.

Comme de raison, le chapitre du culte catholique est de beaucoup le plus considérable; il y est traité des personnes, des choses ou des biens, de la propriété et de la juridiction ecclésiastiques. Dans ce chapitre, et à propos des biens ecclésiastiques, se trouve exposé tout ce qui concerne les fabriques.

Un traité des cultes présentait des difficultés de plusieurs sortes. MM. Dalloz ont su, en traitant cette matière délicate, se garder de tout esprit de système, et surtout de ces malheureuses inspirations d'un faux libéralisme qui fut jadis de mode, mais qui est aujourd'hui tombé dans le discrédit qui devait justement le frapper. Sans amoindrir les droits de l'Etat, ils ont reconnu franchement ceux de l'Eglise, et n'ont pas craint de signaler les attentats

dont ils avaient été l'objet à différentes époques. On peut reconnaître l'esprit qui les a inspirés soit dans l'historique général, soit dans l'historique de l'appel comme d'abus ou autres, soit dans l'examen de plusieurs questions délicates, telles que la question du mariage des prêtres, celle des abus pour refus de sacrements ou autres, de la propriété ecclésiastique, etc. Mais, tout en consacrant dans l'interprétation des lois les opinions qui leur paraissaient les plus conformes à l'esprit de notre temps, aux rapports qui ont existé dès le principe chez nous entre l'Eglise et l'Etat, et au texte même dans lequel le législateur a exprimé sa volonté, ils ont, en général, accepté l'autorité de ces lois. Sans discuter les avantages ou les inconvénients des systèmes et des opinions systématiques en matière religieuse, ils ont pris notre système religieux tel que l'avait fait le législateur de l'an X, ne niant pas, mais n'affirmant pas non plus qu'il fût possible d'en trouver un meilleur. Ils ont aussi laissé de côté toutes ces questions qui ne peuvent qu'aigrir les esprits et rendre le bien plus difficile. C'est sur le terrain de la conciliation de tous les droits, et des intérêts les plus respectables, qu'ils se sont placés; tous les homines modérés et non exclusifs leur en sauront gré, nous n'en doutons pas; comme on leur sera reconnaissant d'avoir réuni dans un même traité les diverses parties de la législation, de la doctrine et de la jurisprudence relatives aux cultes, qui partout ailleurs sont divisées. C. GINOULHIAC.

DE L'HYPOTHÈQUE LÉGALE DES FEMMES MARIÉES SUR LES CONQUÊTS DE LA COMMUNAUTÉ, monographie par A. BERTAULD, professeur à la Faculté de Caen. Paris, Durand, libraire-éditeur, rue des Grès, 1852. Prix, 3 fr.

DE LA SUBROGÀTION A L'HYPOTHÈQUE LÉGALE DES FEMMES MARIÉES, Etude critique par A. BERTAULD, professeur à la Faculté de droit de Caen. Paris, A. Durand, libraire, 1853, in-8°. Prix, 4 fr.:

Ces deux dissertations ou études critiques de M. Bertauld sur des matières les plus controversées de notre droit civil en doctrine et en jurisprudence seront bien accueillies, nous n'en doutons pas, de tous ceux qui auront à s'occuper des questions difficiles qui s'y rattachent. Elles renferment l'une et l'autre une discussion approfondie des opinions des auteurs et des décisions de la jurisprudence, et un examen très-scrupuleux de leurs motifs. M. Bertauld ne s'est pas contenté d'analyser, il a textuellement repro

duit des fragments des auteurs dont il a cru devoir combattre l'opinión.

Dans la première de ces dissertations, nous n'osons dire de ces monographies, car c'est plutôt une question explorée sous toutes ses faces, qu'une matière ou une partie de notre droit civil traitée de manière à former une monographie, l'auteur divise sa matière en deux chapitres. Dans l'un, il examine la question de savoir si la femme a une hypothèque légale sur les conquêts de la communauté, dans le cas d'acceptation comme dans celui de renonciation à la communauté, et il la résout affirmativement. Dans l'autre chapitre, sont traitées les questions de savoir dans quels cas la femme est primée par les créanciers du mari ou les prime sur les conquêts, et si le mari est tenu hypothécairement sur les conquêts de la communauté et même sur ses biens propres, des dettes hypothécaires générales de la femme antérieures au mariage et tombant à la charge de la communauté. Sur cette dernière question, M. Bertauld adopte la négative.

Dans ses études critiques sur la subrogation à l'hypothèque légale des femmes mariées, l'auteur a voulu prouver que l'hypothèque légale ne pouvait être détachée de la créance et cédée séparément, et pour cela il a divisé sa matière en quatre paragraphes qui traitent successivement de ce qu'est la subrogation à l'hypothèque légale, des régimes matrimoniaux sous lesquels les femines ont capacité pour subroger à l'hypothèque légale, de la manière dont s'opère la subrogation, des effets qu'elle produit.

M. Bertauld donne lui-même, en terminant, une idée de son œuvre qui nous a paru exacte; aussi croyons-nous devoir reproduire ce passage de l'auteur: « Les quelques pages consacrées dans des traités généraux à ces conventions si usuelles, par Proudhon, par Grenier, par M. Troplong, par Zachariæ, et plus récemment par deux auteurs d'une incontestable valeur, M. Mourlin et M. Gauthier, nous ont semblé laisser une place à un travail spécial qui offrit et plus de développements doctrinaux et plus de détails jurisprudentiels. Nous nous sommes surtout attaché à la réfutation des idées qui nous ont paru manquer d'exactitude.» Un peu plus loin, l'auteur exprime l'espérance de fournir quelques éléments utiles aux praticiens et à ceux qui voudraient faire un traité sur cette matière; cet espoir ne sera pas assurément déçu. C. GINOULHIAG.

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