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et quels sont les effets des différentes sortes d'armes? Quelle est la classification des blessures? Ces blessures ont-elles été faites pendant la vie ou après la mort? Quelle a été la durée de la maladie ou de l'incapacité de travail? Telles sont les principales questions passées en revue dans cet important chapitre, où abondent les observations personnelles de l'auteur. Vient ensuite un véritable traité sur le meurtre ou l'assassinat, considéré sous toutes ses faces et dans tous ses rapports avec les faits accidentels ou volontaires qui peuvent en revêtir les apparences. Le volume est terminé par des recherches d'un haut intérêt sur la combustion humaine spontanée, telle que ce phénomène doit être accepté dans l'état actuel de la science.

Le troisième et dernier volume, presque exclusivement consacré à l'empoisonnement, est, sans aucun doute, le plus riche en documents. Nous y remarquons une modification prévue dans les opinions précédement émises par l'auteur. A l'époque où M. Devergię publiait la deuxième édition de son ouvrage, vers 1840, si nous ne nous trompons, une allégation d'une immense importance était venue jeter l'émoi parmi les toxicologues et les criminalistes: un chimiste avait proclamé que l'arsenic se rencontrait partout dans la nature, dans toutes les terres, dans les os de l'homme, et jusque dans des barreaux de chaise; on se souvient de la révolution produite dans la science par l'arsenic normal, contemporain d'un procès fameux, et combien la conscience des magistrats en fut troublée. Mais ce n'était là qu'une apparence; et M. Orfila ne tarda pas à démontrer que M. Couerbe, exagéré par M. Raspail, s'était trompé, et qu'il avait été dupe de l'impureté des réactifs. Cette courte erreur de la science devait lui devenir profitable, car les investigations qu'elle provoqua amenèrent la découverte, due encore à M. Orfila, du grand fait de l'absorption de l'arsenic, et de sa proportion plus considérable dans certains organes. M. Devergie avait suivi l'opinion de M. Couerbe: il se hâte de la répudier dans son nouveau travail.

Cette courte analyse suffira pour donner une idée du livre à ceux qui ne le connaissent pas. Pour ceux qui ont lu la précédente édition, nous ajouterons que celle que nous avons sous les yeux en diffère entièrement, que celle-ci est beaucoup plus complète, que les matières y sont refondues, et qu'elle comprend des sujets importants traités pour la première fois. On reprochait à Cicéron d'avoir abandonné les doctrines de l'ancienne Académie

pour les doctrines de la nouvelle, à quoi il répondait, en riant, que la dernière édition est toujours la meilleure. En fait de philosophie, le mot n'est que spirituel; en fait de sciences, il serait toujours juste. La dernière édition de l'Académie enfonçait le philosophe dans un doute plus profond; au contraire, la dernière édition de M. Devergie pousse le médecin légiste et le magistrat un peu plus en avant dans la voie de la vérité.

Nous terminerons en félicitant l'auteur d'avoir fait disparaître de son livre, non toutefois aussi radicalement que nous l'aurions souhaité dans l'intérêt des convenances, certaines formes âpres, certaines récriminations acerbes, qui compromettent la dignité des savants, sans profit pour la science. Enfin, n'oublions pas de mentionner que cet ouvrage, si éminemment utile, doit une partie de son succès aux notes et additions d'un savant magistrat, conseiller à la Cour de cassation, M. Dehaussy de Robécourt.

GRELLET-DUMAZEAU,

Conseiller à la Cour impériale de Riom.

DU DROIT DE PRÉFÉRENCE EN MATIÈRE DE PURGE DES HYPOTHÈQUES LEGALES DISPENSÉES D'INSCRIPTION ET NON INSCRITES, ou Réfutation de la jurisprudence de la Cour de cassation sur les conséquences attachées à cette purge, par M. BENECH, professeur à la Faculté de droit de Tonlouse, etc., etc. Paris, Aug. Durand, libraire, rue des Grès, 1853. — 1 vol. in-8. Prix, 4 fr.

Dans cette monographie, comme dans tous ses travaux, le savant professeur de Toulouse a choisi, pour sujet de ses études, une question des plus délicates et des plus controversées de notre droit civil. C'est là un des caractères de l'esprit de M. Bénech, de chercher toujours la difficulté : qu'on parcoure les titres de ses ouvrages, ce sont toujours ou des parties complétement inexplorées de notre droit moderne, comme l'emploi et le remploi, ou hérissées de difficultés, comme la quotité disponible entre époux; ou bien c'est une question des plus controversées, et qui semblait même définitivement résolue, par la jurisprudence et par la tradition, dans un sens contraire à l'opinion que l'auteur soutient comme l'illégalité de l'adoption des enfants naturels; Cujas et Toulouse, qui font la matière de ses livres.

Nous ne parlons pas aujourd'hui de ses Etudes sur les classiques latins appliqués au droit, nous nous en sommes occupés dans notre dernière livraison; nous nous contenterons de faire remarquer que la nouveauté et la difficulté d'un pareil sujet n'échappent

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à personne. Mais M. Bénech ne se borne pas à chercher les difficultés juridiques, c'est là son moindre mérite; dans l'examen de ces difficultés, il ne se borne pas à reproduire les opinions émises par ses devanciers, il apporte toujours un élément de solution nouveau. On peut, sans doute, ne pas adopter les opinions de l'auteur, mais il est impossible de méconnaître la nouveauté et la force des arguments qu'il fait valoir et qu'il développe avec une remarquable clarté. Aussi n'est-il pas permis d'étudier une des questions sur lesquelles l'auteur a écrit, sans consulter son ouvrage, et on ne le consulte jamais sans intérêt et sans profit. Le seul reproche qu'on ait adressé à M. Bénech, c'est de trop se complaire dans les développements de son sujet, et de ne pas laisser assez à faire à l'intelligence de ses lecteurs.

Quant à l'élément nouveau que l'auteur de la quotité disponible entre époux, de l'illégalité de l'adoption des enfants naturels, apporte dans la discussion de toutes les questions qu'il traite, il ne l'emprunte pas à la lettre de la loi; il le prend en dehors du texte. Tantôt c'est le passé qu'il interroge pour éclairer le présent ; tantôt ce sont les travaux préparatoires du Code qu'il scrute avec une merveilleuse sagacité. Nul auteur n'a fait un plus large, plus intelligent et plus heureux emploi de ces travaux, un peu trop délaissés avant lui. Quant à l'histoire du droit, qu'il ne néglige dans aucune de ses études, il lui appartenait d'en montrer l'utilité dans l'interprétation de notre droit moderne par ses œuvres, et par son enseignement dans la patrie de celui que l'école historique française reconnaîtra toujours pour son chef, de l'immortel Cujas.

On nous pardonnera ces quelques lignes consacrées à caractériser le genre de talent de M. Bénech et le mérite de ses œuvres, car toutes les qualités, et les défauts de ses qualités mêmes qui distinguent ses travaux antérieurs, se retrouvent dans la dissertation que nous avons sous les yeux. D'une part, même difficulté pour la solution de la question, mêmes controverses, jurisprudence en sens contraire de l'opinion de l'auteur; d'une autre part, mėme mode de procéder, mêmes arguments empruntés au droit ancien, aux discussions du Conseil d'Etat...

Quant à la question, c'est celle de savoir si la femme qui, par suite de la purge légale, perd son droit de suite sur les biens du mari, perd également, à défaut d'inscription dans les délais fixés par l'art. 2195, son droit de préférence sur le prix : la loi est muelle sur ce point. L'art. 2195 prévoit bien les deux cas; celui où il n'a

pas été pris et celui où il a été pris des inscriptions du chef des femmes mariées, mais il ne dit pas si dans le premier cas la femme sera privée de son droit de préférence sur le prix : il déclare seulement que << les biens passent à l'acquéreur sans aucune charge, à raison des dots, reprises et conventions matrimoniales. » Mais l'acquéreur n'en est pas moins tenu de payer son prix, et, sur ce prix, la femme ne peut-elle pas exercer son droit de préférence ? L'art. 2195 accorde ce droit à la femme lorsqu'il y a eu inscription, mais il n'en parle pas lorsqu'il n'y en a pas eu.

En cet état, il s'agit de savoir si le droit de préférence sur le prix est une conséquence du droit de suite, qui s'évanouit avec ce dernier, comme le soutient la Cour de cassation; ou bien si c'est un droit distinct et indépendant.

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Pour prouver, contre la Cour de cassation, que ces deux droits sont indépendants l'un de l'autre, il n'est pas d'argument que M. Bénech n'ait fait valoir c'est au droit romain d'abord, puis à notre ancien droit coutumier et aux anciens édits, enfin à la législation intermédiaire de l'an III et de l'an VII, et aux observations des tribunaux sur le projet du Code, et à la discussion de ce dernier, qu'il demande la preuve ou bien que le droit de préfé– rence est indépendant du droit de suite, ou bien qu'en privant la femme de ce dernier, par suite de la purge de l'hypothèque légale, purge qui est tout entière dans l'intérêt de l'acquéreur, on n'a pas voulu la priver de son droit de préférence qu'elle doit conserver, à l'égard des autres créanciers, nonobstant tout défaut d'inscription.

Si l'on n'adhère pas aux conclusions que M. Bénech prétend tirer de son exposé historique (l'histoire du droit, toujours utile, ne donne pas néanmoins les mêmes résultats pratiques pour toutes les parties de notre législation), on lit du moins, avec le plus grand intérêt, toute cette partie où les divers systèmes du droit romain, des décrets volontaires, de l'édit de 1771, du droit transitoire, sont expliqués avec cette clarté qui est une des qualités éminentes de l'auteur. Cet exposé embrasse trois parties de l'ouvrage; la quatrième est consacrée à la réfutation de la doctrine de la Cour de cassation, que M. Bénech accuse de violer l'art. 2180 du Code Napoléon, et de faussement interpréter et appliquer les art. 2135, 2193, 2194, 2195 du même Code.

Nous nous contenterons de ces indications pour cette dernière partie, sans en discuter la valeur; elles suffisent à prouver

que la dissertation de M. Bénech sur la purge de l'hypothèque légale de la femme mariée est complète et que, comme tous les autres travaux du savant professeur de Toulouse, si elle ne peut toujours convaincre, elle éclaire et intéresse toujours, et doit contribuer aux progrès de la science juridique.

C. GINOULHIAC.

TRAITÉ HISTORIQUE, THÉORIQUE ET PRATIQUE DE LA LÉGISLATION DES PORTIONS COMMUNALES OU MĖNAGÈRES, par M. LEGENTIL, avocât et juge suppléant près le tribunal civil d'Arras. 1 vol. in-8. Paris, Durand, 1854. Prix, 8 fr.

Ce serait une bien intéressante histoire à faire que celle de la propriété communale en France. Sans parler des questions de propriété si souvent agitées entre les communes et les anciens seigneurs, sans parler des cantonnements, des triages et des réserves, et de toutes les mesures législatives qui ont porté atteinte au fonds même des communaux, il est curieux de suivre l'impulsion administrative qui tend à mettre les communaux en valeur par des partages, et notamment par des partages de jouissance. C'est le sujet du livre de M. Legentil.

Le mouvement dont nous parlons date de la seconde moitié du dernier siècle; en 1769, sur la demande du Parlement de Metz, un édit du roi ordonna le partage des communaux dans toute la province des Trois-Evêchés. La même mesure fut prescrite, toujours sur la demande des Etats provinciaux, pour la Bourgogne, en 1774; pour les châtellenies de Lille, Douai et Orchies, en 1777, enfin pour l'Artois, en 1779.

Rien de plus curieux que ces partages, qui, sans porter alleinle au droit de propriété de la commune, ont pour but d'appeler four à tour les chefs de famille à la jouissance de cette propriété. Le nombre des portions ménagères est invariable. Depuis longtemps il est devenu inférieur au nombre des ménages. Il a fallu tracer des règles pour la transmission et la dévolution de ces parts, fixer les conditions du droit, organiser un système d'aspirance, en un mot réglementer cette substitution perpétuelle. C'est ce qu'ont fait les édits précités.

Chose remarquable! ces partages de jouissance ont survécu au bouleversement révolutionnaire, et aujourd'hui encore, les édits dont nous venons de parler, et dont trois sur quatre admettent la

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