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sorts qui font mouvoir cette prodigieuse machine, et le nouveau dictionnaire d'administration est un des meilleurs guides que l'on puisse suivre dans cette étude. Le défaut ordinaire des ouvrages de ce genre est le défaut de proportion et d'ensemble. Ce sont des articles rédigés par divers auteurs, souvent dans des vues différentes, et simplement juxtaposés par ordre alphabétique. De là des lacunes, des omissions. Avec un ouvrage ainsi fait, une recherche isolée est possible, une étude suivie ne l'est pas. Le principal mérite de M. Block est d'avoir conçu un plan, tracé d'avance la distribution des articles et l'étendue assignée à chacun d'eux, en sorte que chaque matière se trouvât traitée à sa place, sous son nom usuel et avec l'étendue convenable. C'est ensuite d'avoir revu tous les articles rédigés par des collaborateurs différents et de leur avoir imprimé le cachet d'une puissante unité. C'est ce qui lui donne le droit d'inscrire son nom sur le frontispice du livre, car s'il n'est pas l'auteur de tous les articles, il est du moins l'auteur du livre considéré dans son ensemble et comme un tout.

On peut s'en assurer en parcourant les tables des matières. Il ne s'agit ici ni de la table alphabétique, ni de la table des auteurs, mais de la table systématique qui, groupant les divers articles dans un ordre logique, recompose un véritable traité de droit public et administratif.

Chaque article, pris en lui-même, devait contenir et contient en effet l'analyse de la législation, les principaux résultats de la jurisprudence et l'indication des sources et des auteurs. La partie bibliographique tient peut-être un peu trop de place, eu égard aux limites infranchissables que l'auteur s'était prescrites. Il n'était peut-être pas nécessaire de citer d'une manière complète, dans un ouvrage de ce genre, les innombrables brochures publiées sur ces questions depuis cinquante ans. En se bornant aux publications officielles et aux ouvrages véritablement utiles, on aurait pu consacrer plus de place au texte.

Nous venons de nommer la jurisprudence. En administration elle est de deux sortes : il y a la jurisprudence des tribunaux ordinaires ou administratifs, qui est recueillie et publiée périodiquement par les arrêtistes; il y a en outre la jurisprudence des bureaux, la pratique, la tradition administrative, comme l'appelle M. Block. Cette tradition, que le public ne connaît pas et ne peut

pas connaître, devait nécessairement se trouver exposée dans un dictionnaire d'administration, et on peut dire qu'elle s'y trouve en effet. Pour obtenir ce résultat, M. Block s'est adressé aux chefs des divers services administratifs et s'est assuré le concours de leurs lumières spéciales pour les matières les plus importantes et les plus difficiles. Aussi la liste même des collaborateurs est la meilleure recommandation de l'ouvrage. Ainsi l'article Algérie a été rédigé par M. le général Daumas, l'article Colonies par M. Mestro, l'article Monuments historiques par M. Mérimée.

Chaque article est en général précédé d'une introduction historique; mais quelques-uns, et nous le regrettons, se bornent à exposer, sans préambule, l'état actuel de la législation. C'est surtout en administration que l'étude de l'histoire est nécessaire. Nous croyons qu'on aurait pu donner à cette partie de l'ouvrage plus de développement et plus d'unité, et combiner tous les fragments d'histoire de manière à permettre au lecteur de reconstruire, en les plaçant dans un ordre systématique, une histoire complète de notre droit administratif. Sans se livrer à des recherches originales, et en se bornant à analyser les travaux récemment publiés, on pouvait encore arriver à un résultat trèssatisfaisant, et nous n'en voulons d'autre preuve que le Dictionnaire d'administration lui-même. Les introductions historiques qui précèdent plusieurs articles sont excellentes. La voie était donc toute tracée, et il ne s'agissait que d'y marcher jusqu'au bout.

Enfin, et malgré l'espace resserré dont on pouvait disposer, peut-être n'aurait-il pas été hors de propos de donner, par forme de comparaison, quelques aperçus de l'administration dans les pays étrangers. La science administrative est cultivée avec succès ailleurs qu'en France, et il y a, par exemple, dans les auteurs allemands ou italiens qui ont écrit sur ces matières, bien des choses dont un lecteur français pourrait faire son profit.

Quoi qu'on puisse penser de ces améliorations qui nous paraissent désirables, le Dictionnaire de l'administration française n'en est pas moins, dès à présent, le répertoire le plus commode. et le plus exact de notre droit administratif, et le plus propre à faire connaître dans ses détails pratiques cette vaste science. Aussi le succès qu'il a déjà obtenu ne doit pas s'arrêter aux frontières de la France. Comme tous nos livres de jurisprudence, il se

répandra en Allemagne, mais surtout dans les pays de race latine, en Italie, en Espagne et jusque dans l'Amérique espagnole. Voilà bien des lecteurs auxquels M. Maurice Block n'avait peut-être pas songé! R. D.

Traité de l'administration temporelle des congrégations et communautés religieuses, par M. CALMETTE, chef du cabinet du préfet de l'Hérault. In-18; Paris, 1857. Durand. Prix, 3 fr.

La législation civile des congrégations et communautés religieuses se compose d'une série de dispositions qui se réfèrent les unes aux autres dans tout ce qui n'a pas été abrogé expressément ou implicitement. C'est là, du reste, malgré quelques essais de codification, le système général de notre droit administratif, et telle est sans doute la cause qui éloigne de l'étude de ce droit ceux-là même qui ont le plus d'intérêt à le connaître ou qui sont chargés de l'appliquer. Aussi, chaque année, l'administration centrale doit-elle renvoyer nombre de dossiers dans les départements pour faire compléter l'instruction des affaires. De là des retards infinis, des pertes d'intérêts, et parfois même la perte du capital, des réclamations, des clameurs contre la bureaucratie, des voyages à Paris pour hâter une solution dont on n'a pas fourni les éléments. Administrateurs et administrés doivent donc accueillir avec reconnaissance tous les ouvrages qui peuvent éclairer les parties intéressées ou leurs conseils, et même aussi, il faut le dire, les bureaux de quelques préfectures, sur les formalités à remplir dans les diverses circonstances où l'intervention du gouvernement est nécessaire. Le Traité d'administration tem porelle des congrégations et communautés religieuses, par M. Calmette, doit être rangé au nombre de ces travaux utiles qui peuvent simplifier la marche des affaires et sauvegarder les intérêts des congrégations ou communautés, en indiquant avec précision la voie qu'elles doivent suivre dans chacun des actes de leur vie civile.

Ce volume est divisé en deux parties. La première partie est consacrée aux associations religieuses de femmes. L'auteur y traite de l'organisation intérieure des communautés et congrégations; de la reconnaissance légale; de la révocation et de l'extinction des associations religieuses; de l'administration des

biens; acquisitions à titre gratuit et à titre onéreux; aliénations; échanges; rétrocessions; emprunts; actions judiciaires et transactions; actes conservatoires; contributions. Les règles spéciales aux associations hospitalières et aux associations enseignantes sont développées dans deux chapitres distincts. La deuxième ́partie est réservée aux associations religieuses d'hommes, aux associations religieuses non autorisées et aux confréries. Un appendice contient la législation relative à la reconnaissance légale et à l'administration des biens des associations religieuses, les lois, décrets et arrêtés sur l'enseignement, et la liste des principales congrégations religieuses légalement reconnues. Il est à désirer que, dans une seconde édition, l'auteur joigne à cet appendice une série de formules des actes les plus importants. Nous émettrons aussi le vœu que, dans le chapitre de l'administration des biens, M. Calmette rappelle les obligations qui résultent pour les congrégations, aussi bien que pour les particuliers, de la loi si importante du 23 mars 1855 sur la transcription hypothécaire. Mais sous la réserve d'un petit nombre de desiderata, nous n'hésitons pas à signaler le Traité de l'administration temporelle des congrégations et communautés comme un livre trèsutile à ces associations elles-mêmes, à tous les officiers ministériels chargés de leurs intérêts, aux secrétaires des évêchés et aux employés des sous-préfectures et préfectures.

AD. TARDIF.

Cours de droit criminel, par A. TRÉBUTIEN, professeur suppléant à la Faculté de Caen. Paris, Durand, 2 vol. in-8, 15 fr.

Descendant dans la lice après Carnot, Legraverend, Bourguignon, Rauter et Boitard, M. Trébutien a voulu que son traité se distinguât de l'œuvre de ses devanciers. En effet, son livre se recommande à la fois par la nouveauté de la forme, par la nouveauté des matières enseignées, et par la nouveauté des sources auxquelles ont été puisés les principaux arguments.

Empruntant à Zachariæ son intelligente méthode, M. Trébutien a scindé sa matière en chapitres et en sous-chapitres avec des subdivisions. Par une innovation heureusement introduite dans les livres de droit, l'auteur repose l'esprit du lecteur par

l'adjonction de notices marginales qui activent considérablement la facilité des recherches.

Voilà pour la nouveauté de la forme; quant à la nouveauté des matières, il nous suffira de citer les nouvelles lois sur la mort civile, la déportation, les travaux forcés, la réhabilitation, le jury, les délits de presse, le juge d'instruction, etc. Mais ce qui met surtout hors ligne le traité de M. Trébutien, c'est l'heureuse pensée qu'il a eue de consulter de nombreuses autorités pour asseoir son opinion personnelle. Les traités ex professo, les monographies, les articles de revues ou de journaux, les recueils d'arrêts, les mémoires d'académies littéraires, il a tout compulsé. Les nombreuses citations qui accompagnent son texte montrent le fruit qu'il a retiré de ses savantes recherches.

Il n'est pas jusqu'aux questions de frais et dépens que M. Trébutien n'ait analysées avec soin. Sur le point de savoir si l'accusé absous peut être condamné aux dépens, le professeur de Rennes embrasse la négative tout en se séparant de la Cour de cassation. Il le fait encore à propos de l'ivresse, quand il déclare contraire aux principes un arrêt qui interdit à un défenseur le droit de présenter l'ivresse comme ayant déterminé occasionnellement chez l'accusé un véritable acte de folie; cette interdiction étant basée sur ce que l'ivresse ne constitue pas d'excuse légale. Ce n'est pas le seul endroit de son livre où M. Trébutien dénote la liberté de ses allures. Il n'accepte pas plus inconsidérément les théories des légistes qu'il ne le fait des actes des tribunaux. Loin de jurer sur la parole du maître, il la soumet au creuset de l'analyse. Il soutient la légitimité de la peine de mort contre Rossi, Royer-Collard, MM. Guizot et Lamartine; il défend contre Rossi et Boitard la classification adoptée par le Code pénal. Nous notons ceci pour prouver que M. Trébutien ne critique point toujours notre législation pénale.

Mais il faut nous borner. Nous ne suivrons pas M. Trébutien au travers de toutes les questions neuves et délicates traitées avec sagacité dans son ouvrage. Celles que nous avons effleurées suffiront au lecteur pour lui démontrer qu'il est peu de livres d'une utilité plus pratique que ce Traité de droit criminel, et d'un emploi plus journalier pour tout homme que sa profession amène au palais.

CHARLES ABEL,

Docteur en droit.

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