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faits d'ailleurs tout d'une pièce, sont trop les hommes de leurs plumes. Leur cadre étouffe leur sujet, et leur imagination fait de trop grands frais pour songer à ce qu'ils devraient vous apprendre. Ajoutons que cette substitution ne laisse pas d'être amenée par plusieurs avec infiniment de tact, de grâce et d'esprit. Malheureusement, elle charme le lecteur plus qu'elle ne satisfait le curieux.

Moins éloquents, mais aussi substantiels, nous voulons qu'ici le fond emporte la forme. Dans ce but, nous chercherons partout le meilleur de l'actualité, traduisant de préférence le côté franc, simple et familier du monde littéraire. Bruits académiques, bruits judiciaires, bruits de salons, bruits de théâtres, livres et brochures, grandes et petites anecdotes, excentricités de toute sorte, voilà le fond de notre enquête de chaque jour. Notre format vise à être aussi commode, aussi à la main que possible. Enfin, le prix de ce recueil dit assez l'extension qu'il veut prendre.

Avril 1855.

REVUE ANECDOTIQUE

DU 1er AU 15 AVRIL 1855

Du 1er avril.

Une femme galante cherche à entrer dans le grand monde par un mariage que fait manquer l'un de ses anciens amants. Tel est le sujet du Demi-Monde, la pièce en vogue du Gym

nase.

Le Demi-Monde a nécessairement son bout d'histoire.

Créé pour le Théâtre-Français, soumis par celuici à un retard dont ne pouvait s'accommoder l'auteur, sa fortune alla frapper aux portes du Gymnase. Il paraîtrait qu'il fut, là aussi, accueilli tout d'abord avec une certaine froideur. Mme Rose-Chéri trouvait son rôle bien long; Mlle Figeac avait cru découvrir dans le sien je ne sais quelles allusions..... Bref, M. Dumas aurait dit au sortir d'une séance assez décevante: Je viens de piquer une tête. Fiezvous donc aux pressentiments!

Quoi qu'il en ait été, c'est incontestablement le

grand succès du jour, succès qui se renouvellera toutes les fois qu'une actualité pittoresque et un auteur habile pourront s'entendre. - Le Charivari peint les perplexités directoriales d'un rival de M. Montigny. Le Mousquetaire personnifie en trois anecdotes les types qui nous ont valu la Dame aux Camélias, Diane de Lys et Suzanne d'Ange. Enfin, le Figaro consacre plusieurs articles à une contrecritique des feuilletonistes qui ont eu cette dernière pièce à juger. On en connaît déjà trois parodies: le Petit Monde, par MM. Guénée et Potier, les auteurs ordinaires des Folies-Dramatiques; le Monde admis, par M. Ernest Milo, et le Monde camelote, présenté au théâtre du Palais-Royal, par M. Cogniard.

Du dit.

Un auteur sonne dernièrement à la porte d'une célébrité poétique fort goûtée de l'Académie. Un jeune homme blond se présente et s'informe.

Il s'agissait de soumettre à l'appréciation, aux bons conseils de la maîtresse de céans, un recueil de vers.

Le jeune homme blond disparaît après l'avoir fait asseoir, et bientôt la Muse elle-même, montrant à l'entre-bâillement d'une porte son chef tout empapilloté, daigne exhorter son visiteur à la patience. Un quart-d'heure après, la conversation était établie, une conversation brillante s'il en fut, mais qui s'écartait insensiblement de son sujet.

<< Enfin, monsieur, vous avez eu des maîtresses? >> hasarde sur certain propos l'aimable interlocutrice. «< Jamais...,» répond brutalement notre homme, qui n'avait pas à se reprocher le plus petit poëme sur la femme.

Pour le coup, Mme *** n'y put tenir, et recula d'horreur, en criant :

« Ah! le monstre... >>

Du dit.

Aux Variétés. Le Premier Avril, méli

mélo. Clairville et Gabet. Défie toute analyse.

Du dit.

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Le grand Goethe est en ce moment à l'ordre du jour.

Après les Origines de Werther de M. Baschet, voici venir une des sources les plus précieuses de son travail. C'est la Correspondance de Goethe avec la famille Kestner, publiée par un descendant de l'époux de Charlotte, et traduite par M. L. Poley. Un peu germanique dans sa forme, cette traduction intéressera vivement et désillusionnera un peu ceux qui, sans connaître la langue, goûtent encore le roman de Werther.

Il est curieux de chercher cet épisode de la vie de Goethe dans ses Mémoires, que vient de traduire Mine de Carlowitz.

me

M. Louis Enault prépare, dit-on, un travail sur le même sujet.

Du 2 avril. Le métier d'amateur dramatique ne laisse pas que d'avoir ses désagréments. Un malheureux restaurateur de Joinville-le-Pont vient de se

faire condamner à un mois de prison et 1,000 francs d'amende pour avoir établi sans autorisation un théâtre dans son domicile. L'autorité compétente n'a pas craint d'y interrompre la représentation de Bruno le Fileur devant un public amoureux du vaudeville. La salle contenait deux cents personnes. Nous renvoyons à Joinville-le-Pont tous les impressario désespérant de leurs spectateurs.

Du dit. Les Nouvelles à la main du Figaro

(journal du reste fort bien fait et remplissant gaillardement la mission de récréer une époque peu amusante et point du tout amusable) font adresser au marquis de C*** un mot fort piquant, mais dont nous réclamons la priorité pour le sieur Volange, acteur de l'ancienne Comédie italienne. Le marquis de C*** aurait été cette fois un nommé Michu du même théâtre, bon acteur du reste et qui avait l'honneur de donner leçon à la reine pour les opéras-comiques qu'elle se plaisait à jouer.

Voici notre pièce à l'appui. Elle est extraite des Mémoires secrets, dits de Bachaumont, année 1780.

« 18 octobre. Le sieur Parisot, ci-devant directeur des élèves de l'Opéra, auteur et acteur, a un ordre de début pour les Italiens. Lorsqu'il s'est présenté à l'assemblée pour se faire agréer des comédiens, le sieur Michu a témoigné de l'humeur et s'est écrié « Je crois qu'on veut nous infecter de tous les farceurs des boulevards. » Le sieur Volange présent, humilié de la réflexion, lui a dit: Monsieur

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