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REMARQUES

SUR LES RAISONS DES ENNEMIS,

1

RAPPORTÉES EN QUATRE ARTICLES DANS LE MÉMOIRE.

LES

I.

Es raisons ici alléguées contre Philippe V sont très fortes; mais, sans les examiner en détail, une seule considération semble les détruire toutes.

On sait que les royaumes sont, ou électifs dont le roi n'est qu'usufruitier à vie, ou patrimoniaux dont le roi dispose comme il veut, ou enfin successifs dont le roi a toujours pour successeur nécessaire son plus proche héritier descendant du premier roi, la ligne directe préférée et le droit d'aînesse gardé, soit mâle seulement, soit fille à défaut de mâle; et c'est ce dernier usage qu'on voit établi en Espagne depuis mille ans; car Philippe V descend en ligne directe des deux premiers rois qui, réfugiés en différents lieux des montagnes du nord, commencèrent à reconquérir en même temps l'Espagne sur les Maures vers 717, et dont les familles se réunirent ensuite par mariage en une seule, qui a toujours régné depuis.

Voilà donc un usage de dix siècles qui forme tout ensemble une loi et une possession inviolable en faveur des descendants de ces premiers rois tant qu'il y en aura. C'est une espèce de substitution graduelle et perpétuelle, contre laquelle aucun testament ni renonciation ne peut prescrire, que nul des substitués n'a le pouvoir de changer, et que la nation même qui s'est soumise à cette famille ou descendants, n'a plus droit d'infirmer, mais seulement de juger si les conditions ordonnées par la loi pour la succession sont remplies.

Par cette raison, dira-t-on, Louis Dauphin, et, après lui, Louis duc de Bourgogne, devoient être rois d'Espagne: il est vrai; mais comme il est permis à un roi d'abdiquer sa couronne, à plus forte raison ces deux princes pouvoient-ils céder personnellement celle d'Espagne qu'ils n'avoient pas encore.

Si l'on répond qu'ils ne pouvoient céder que leur droit personnel, et non pas celui de leurs futurs descendants, qui sont venus depuis, la réplique paroît décisive.

Quand la succession d'un royaume est ouverte, il faut un roi pour le gouverner. C'est pour en avoir perpétuellement que la nation a choisi une famille ou descendance entière; et c'est pour l'avoir sans interruption ni délai à la mort de

chacun, que la succession a été fixée par l'aînesse, qui décide sur-le-champ, rien n'étant plus pernicieux aux États que les interrègnes. Si donc celui qui doit succéder selon la loi refuse, la couronne passe à son fils; et s'il n'y en a point, elle passe nécessairement à son frère; car la nation n'attend point alors un fils du premier, qui ne viendra peut-être jamais. Ainsi, quand, après la prise de possession de la couronne par le frère puîné, l'aîné, qui a refusé, vient à avoir des enfants, ils ne peuvent rien prétendre à la couronne cédée par leur père; 1o parce que n'étant point existants dans le temps de la cession, ils ne sont susceptibles d'aucun droit; 2° parce qu'ils n'ont pu en acquérir depuis par leur naissance, puisque le seul prince qui pourroit le leur transmettre n'en avoit plus lui-même quand ils sont nés. Telle est donc la loi de la succession des monarchies; il faut qu'un roi vivant succède sans délai au roi qui meurt. Si celui que le roi met sur le trône refuse d'y monter, il perd son droit, et en saisit son successeur présomptif vivant, auquel le droit, une fois recueilli, demeure, et par lui à sa postérité. A l'égard du traité de partage mentionné dans cet article, il n'obligeroit le roi qu'à convenir avec l'Angleterre et la Hollande d'un prince pour l'Espagne, au cas que l'empereur refusât d'accepter ce traité. L'empereur l'a refusé six

mois devant la mort du roi d'Espagne; le roi n'étoit donc plus alors engagé qu'à convenir de la nomination du prince avec les deux autres puissances. Or sa majesté notifia le choix de Philippe V par le testament, au roi Guillaume et aux états-généraux, qui reconnurent ce prince pour roi d'Espagne. Ainsi voilà dès lors le traité de partage exécuté.

II.

Il falloit, sans doute, au mois de mai dernier, faire déclarer les alliés sur ce qu'ils exigeoient du roi pour assurer l'abandon d'Espagne par le roi Philippe. M. de Torcy prétend n'avoir rien oublié sur cela, et l'on verra à la fin de ces remarques ce qu'ils lui ont répondu.

III.

Selon le principe établi sur le trente-septième point ci-après, on peut seulement employer les armes du roi pour retirer d'Espagne Philippe V avec sûreté, quand ce prince le voudra, mais non pas malgré lui.

IV.

Le quatrième article ne paroît souffrir aucune difficulté.

REMARQUES

SUR LES POINTS TOUCHANT LESQUELS
LE MÉMOIRE DÉCIDE.

I.

Les deux expédients combattus dans cet article

paroissent en effet impraticables.

II.

et

Que la France soit réellement dans la dernière extrémité, c'est ce qui est vrai dans un sens, peut ne l'être pas absolument dans un autre. On en dira davantage à la fin de ces remarques. On supposera cependant ici cette perte de l'Etat prochaine, si la guerre continue, et l'on convient qu'il n'y a que ce seul cas où l'on puisse délibérer sur l'abandon d'Espagne.

III.

Les quatre raisons de ce point, pour obliger Philippe V à quitter volontairement l'Espagne,

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