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gnée encore des beaux jours de notre Poësie, la plus grande partie de ceux dont je suis obligé de rappeler les noms, avoit depuis longtems éprouvé le sort que l'Auteur anonyme du Dialogue sur les Orateurs prédisoit autrefois aux Ecrivains de cette espèce, lorsqu'il disoit, que peu de personnes connoissent les bons Poëtes, et que l'on ne connoît jamais les médiocres: Mediocres Poëtas nemo novit, bonos pauci. » « Tous ces Poëtes cependant se promettoient l'immortalité; tous comptoient que leurs noms passeroient avec honneur jusqu'à la postérité la plus reculée. Ennivrés des louanges dont on se hâtoit de les combler; comptant trop sur les minces talens qui pouvoient les distinguer de leurs contemporains; pleins de ces idées flateuses dont se repaissoient les anciens Poëtes qui ont fait l'honneur d'Athenes et de Rome, et dont ils mettoient les ouvrages en pièces dans leurs écrits; suivant leurs traces de loin, et manquant presque toujours de leur génie, ils osoient aspirer à la même gloire; vaine imagination! Ils se plaçoient sur le Parnasse, mais c'étoit sans l'aveu des Muses; et malgré les éloges qu'ils mendioient, ou que des amis trop complaisans, ou d'un goût dépravé, leur donnoient; malgré les loüanges que le célébre Mr. de Thou a prodiguées dans son Histoire à un grand nombre d'entre eux, presque tous ont vù s'éteindre, même pendant leur vie, le foible éclat dont ils avoient brillé. »

<< Exceptez de ma liste les deux Marot, Jean et Clement, Mellin de Saint Gélais, Joachim du Bellai, dont la réputation a, pour ainsi dire, forcé les tems, et peut-être cinq ou six autres dont on estime encore quelques piéces ou quelques lambeaux, les noms de tous les autres sont ensevelis dans les ténèbres. On a oublié jusqu'à Ronsard, lui qui a formé tant de disciples et fait tant de mauvais imitateurs (1). Cet Ecrivain si fameux autrefois, dont toute la

1) Rac. Réflex. sur la poës. t. 1. p. 238.

vie fut un triomphe, qui fut aimé de son Roi, chéri de la Cour, admiré de tous les Savans, comblé des éloges les plus pompeux, dont l'Oraison funébre fut prononcée par le célèbre du Perron, à ce service magnifique où l'affluence du peuple empêcha des Cardinaux et des Princes de trouver place; ce Poëte qui ne faisoit aucune peine de s'entendre nommer et de se dire lui-même le Prince des Poètes, et le plus cher favori des Muses, n'est plus lû depuis longtems, ni presque nommé qu'avec mépris. Le tems a dissipé ses honneurs plutôt que sa cendre. L'ignorance, la faveur et d'aveugles caprices ont adjugé à lui et à plusieurs autres des couronnes qui se sont flétries presque dans les mains mêmes de ceux qui les en décoroient, et qui ne les ornent plus que dans leurs portraits.

Pour lire maintenant leure écrits, il ne faudroit pas moins qu'un engagement pareil à celui que j'ai contracté, et une égale obligation à y satisfaire. Ce n'est pas par goût que l'on s'arrête si longtems à converser avec des Ecrivains dont on ne peut ordinairement louer que les efforts qu'ils ont faits pour mettre en honneur notre langue et notre poësie, et qui ont si souvent manqué le but qu'ils se proposoient d'atteindre. On ne peut que s'ennuier avec ces froids et insipides versificateurs qui semblent s'être fait un mérite du galimatias le plus ridicule, des métaphores les plus outrées, des hyperboles les plus fastueuses, des allégories les plus bizarres, des expressions les moins convenables aux sujets qu'ils vouloient traiter.

Ceux même dont la réputation se soutient encore, ne sont nullement exemts des taches qui enlaidessent leurs confrères. Sans compter qu'ils ne participent que trop souvent à leurs défauts de langage et de versification, et qu'ils violent, comme eux, les régles de l'Art dont ils faisoient profession; les uns par des vers licentieux ont rendu la poësie méprisable; les autres par des vers saty

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riques l'ont renduë odieuse; et presque tous l'ont avilie par une profusion d'encens qui devoit fatiguer jusqu'à ceux qu'ils encensoient, et qui ne nous paroit aujourd'hui qu'une fade adulation. Marot même, malgré l'estime qu'on ne peut lui refuser, s'endort souvent dans les matiéres qui sembloient le plus devoir échauffer son génie, et sa plume d'ailleurs libertine, et quelquefois impie, est d'autant plus dangereuse que ses traits sont plus agréables.

Je ne m'arrêtterai pas à prouver la vérité et la justesse de cette décision elle ne paroitra trop sévére qu'à ceux qui ignorent en même tems, et ce qui constitue la beauté, l'excellence, et ce qu'on appelle l'ame de la Poësie, et les regles austéres, mais toujours équitables, de la morale Chrétienne ils n'en trouveront que trop de preuves dans ces deux nouveaux Volumes, s'ils se donnent la peine de les lire.

Je n'y offre cependant rien qui puisse blesser les oreilles les plus religieuses: le contraire ne conviendroit ni à mon état, ni à ma manière de penser. J'ai tâché pareillement d'éviter tout ce qui pourroit causer de l'ennui à un lecteur délicat. Mais je prie en même tems ceux qui ont raison de n'aimer en Poësie que ce qu'on peut appeller le vrai beau, de faire attention que je ne leur parle que d'Ecrivains où le vrai beau ne se rencontre que rarement; que je ne suis qu'Historien, et qu'en cette qualité je ne puis crées ni les choses, ni les faits. On m'a demandé une histoire suivie de nos Poëtes; je la donne avec toute l'exactitude que j'ai pû y apporter. Je tire de l'oubli quantité de noms qui y étoient ensevelis; mais en leur donnant, en quelque sorte, une vie nouvelle, je ne leur attache point une gloire qu'ils n'ont jamais pù mériter; je les apprétie ce qu'ils valent. Les commencemens d'un Art sont toujours fort impa. faits, ses progrès sont lents, ce n'est qu'après beaucoup de réflexions et de tems qu'il arrive à sa per

fection. Mais les partisans de la Littérature aussi bien que ceux qui aiment les Arts et les Sciences, ne croient pas qu'il soit indigne de leur curiosité de chercher à connoître le berceau où chaque Art et chaque Science ont pris naissance, et de les suivre dans leurs différens âges. Cette recherche qui peut contribuer a la connaissance de l'esprit humain, fait en même tems partie de l'histoire, et n'est pas sans agrémens.

Plusieurs personnes qui tiennent un rang distingué dans les Lettres, se sont plaint souvent de ce qu'on supprimoit l'histoire de notre poësie et de nos Poëtes, que Guillaume Colletet avoit entreprise et continuée, dit-on, jusqu'à son tems. C'est pour suppléer au défaut de cet Ouvrage que ces mêmes personnes m'ont engagé à entreprendre celui-ci. C'est une observation que je crois avoir déjà faite. Je ne la réitere que pour aller au-devant du reproche qu'on pourroit me faire, de m'être donné la peine de lire tant d'écrits oubliés, et dont je ne puis conseiller la lecture, lors même que je parois plus attentif à en rappeller le souvenir. Si l'on eût publié l'Histoire de Colletet, j'aurois eté, sans doute, dispensé de donner la mienne on ne se livre pas avec plaisir à ce qu'on ne peut exécuter qu'avec autant de dégoût que de fatigue. J'ai pris pour moi les épines; heureux si je ne présente aux autres que les fleurs. Il n'y a guéres de Poëtes ou je n'en aie rensuis attaché à les cueillir.

contré quelques-unes; je me C'est le premier dedommagement que j'ai trouvé dans ce nombre prodigieux de Volumes qu'il m'a fallu dévorer. J'en ai saisi un second, ce sont les Anecdotes concernant l'Histoire Civile et Littéraire, qui y sont éparses, et que j'ai réunies dans chaque article. »

LIVRE DE SAPIENCE. (1478)

« CE present liure en francoys est de tres-grant prouffit et

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edification et est examine et approuue a Paris par plusieurs maistres en diuinite Et la fait transcripte reuerend pere en Dieu monseigneur guy de roye par la miseracion diuine archeuesque de sens pour le salut de son ame et des ames de tout son peuple Et dit par especial des simples gens lays pour lesquelz ledit liure a este fait especialement et ordonne - Et commande ledit reuerend pere par grant et feruant deuocion que en chascune paroisse de la cite et dyocese de sens ait ung tel liureEt que les cures et chappellains desdictes paroisses en lisent chascun dimenche au peuple deux ou trois chappitres se aulcuns en veulent oyr et affin que les cures et chappellains en soyent plus deuos a lire et le peuple dessusdit a oyr Ledit reuerend pere au salut de leurs ames et en esperance que lon prie Dieu pour luy a donne et ottroye a tous ceulx qui seront en estat de grace qui de ce liure liront a aultruy vingt iours de pardon a tous ceulx qui en oyront lire et qui par eulx en liront et qui prieront pour ledit reuerend pere dix iours pour chascune foys perpetuellement et se il aduient que aulcun face doubte daulcune chose contenue en ce dit liure et on ne lentende pas bien pour ce qu'il a este fait briefuement et grossement pour les simples gens par ledit reuerend pere ou ses successeurs ou leur conseil leurs en se ra donne entendement et declaraciou souffisante qui len vouldra auoir et est compille le dit livre des choses qui sensuyuent. »>

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et aussi

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