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Génot.

Fig. 24

Orgueil.

Pag. 175.

LACOSTE

sées; sa démarche sera lente et solennelle; ses gestes, peu nombreux et se renfermant presque exclusivement dans des mouvements significatifs de la tête; son regard, perçant, mais rarement élevé; sa physionomie, austère et sans attraction; son élocution, brève et recherchée; sa voix, artificielle, et son humeur, sévère.

Maintenant opposons à ces deux caractères celui d'un homme ébloui de son mérite, des titres qui le décorent, des dignités dont il est revêtu et dont il cherche à faire parade, d'un homme enfin qui ne voit au monde rien qui soit au-dessus de sa sphère, et qui, ayant un mérite connu, l'altère par l'orgueil dont il l'enveloppe. Un tel homme doit être sans doute le type du ridicule. Fier dans son attitude, il porte la tête très-haute, se tend avec effort sur ses pieds, et semble vouloir rehausser son mérite en mesure de l'élévation qu'il donne à son maintien. Affectant un regard tantôt réfléchi, tantôt élevé avec dignité, il semble se complaire dans la jouissance que lui procure la persuasion de son mérite; ne voyant rien de ce qui l'environne digne de son attention, planant sur tout ce qui l'entoure, et tout occupé de sa noble personne, il croit que les regards de la foule sont attachés sur lui; dès lors il prend des poses académiques : sa main s'arrête avec complaisance sous les brisures de son gilet ou sur son flane; sa démarche est ferme et guindée (Fig. 24); sa voix, radoucie avec recherche; son élocution, impérieuse cherchant à dominer ou à faire prévaloir ses sentiments sur ceux des autres.

NOBLE ORGUEIL.

Jusqu'ici nous nous sommes attachés à montrer le mauvais côté de l'orgueil, c'est-à-dire celui qui convient le plus particulièrement à la comédie; nous allons nous appliquer à déveJopper celui qui est plus spécialement du ressort de la tragédie, et nous trouverons sans doute cette partie plus édifiante.

Lorsque cette passion naît dans une âme grande et élevée, dans un esprit vaste et supérieur, qui sait en modérer les élans et lui donner une sage direction, loin de rabaisser sa dignité, elle devient le sujet des grandes actions, et le soutien de l'honneur et de la probité.

Y a-t-il, en effet, rien de plus grand que ces héros de l'antiquité que l'immortel Homère nous peint si fiers et si superbes ? Et qui ne serait touché du noble orgueil de Vorcestre, dans Edouard III, de Gresset, lorsque, mis dans les fers et condamné à mort sous de fausses accusations, il méprise les biens de la terre pour n'aspirer qu'à ceux du ciel? Et de Belloy dans son Siége de Calais, pouvait-il nous offrir un orgueil plus sublime que celui qu'il donne à Saint-Pierre, maire de la ville, qui, rejetant les propositions d'Edouard, aime mieux mourir que se soumettre aux lois d'un ennemi de sa patrie!

Toutes les pages de nos tragédies les plus célèbres sont remplies des effets héroïques de cette passion, si propre à réveiller la sympathie de l'auditeur, et si dignement appréciée par les poëtes. Aussi de tous les traits qui peuvent exciter l'admiration, l'orgueil bien placé peut être mis en première ligne, et devenir

un ressort très-puissant pour la tragédie, quand surtout il est associé à la fermeté, à la grandeur d'âme, à la magnanimité, et en général à toutes les grandes vertus.

De là, on comprend aisément que l'expression d'un homme qui, victime des revers, veut encore se couvrir des restes de sa grandeur première, par son courage, par sa dignité, doit différer essentiellement de celles que nous avons déjà décrites. Remarquons en effet dans le Spartacus de Saurin, ce fier Crassus, qui, forcé de fléchir devant Spartacus, vient réclamer à ce puissant esclave échappé des fers, sa fille Emilie que le sort de la guerre a jetée entre ses mains, et conclure avec lui, au nom du Sénat, un traité de paix humiliant pour sa patrie.

Sa démarche imposante et fière, son maintien plein de noblesse, font voir en lui plutôt un maître clément qui cherche à ramener l'esclave par la douceur, qu'un ennemi vaincu qui vient proposer des conditions d'alliance d'où dépend le salut de Rome. Sans s'humilier devant un homme flétri par les fers, il sait joindre à la modération de ses discours ce ton imposant et persuasif qui laisse percevoir encore l'ancien ascendant du maître sur un sujet rebelle, devant lequel cependant l'honneur de sa patrie le force à ployer. Ses gestes énergiques et pleins d'expression, son front calme, son regard perçant à travers ses paupières légèrement rapprochées, et sa tête élevée avec dignité décèlent enfin qu'il croit pouvoir encore traiter en maître tout en offrant au vainqueur une double alliance humiliante pour Rome et pour Spartacus lui-même.

VANITÉ.

La vanité naît du désir de faire valoir des qualités, des avantagés dont soi-même on connaît toute la nullité, mais qu'on cherche néanmoins à envelopper d'une apparence de grandeur et d'élévation, pour se donner un mérite éclatant, une supériorité de moyens propres à suppléer au défaut de valeur. C'est un orgueil factice, qui, manquant de sujets pour être légitime, s'en crée d'imaginaires, ou s'attache à donner un grand lustre à ceux d'un mérite très-médiocre. L'orgueilleux croit à ses qualités personnelles; il se fait illusion de ses propres moyens, et devient sous ce rapport plus excusable que l'homme vain, qui, étant intérieurement convaincu que ses dignités ne sont qu'empruntées, cherche toutes les occasions possibles pour les faire prévaloir.

L'homme vain s'enorgueillit de tout ce qui peut en imposer au vulgaire. Quoique né rustre, il parle hautement de la noblesse de ses ancêtres, se fait une illustre généalogie, et croit par mettre des vertus en évidence. Il vante la position et le crédit

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