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d'une négociation. Le ministre qui est porteur d'instructions secrètes ne peut les communiquer sans un ordre exprès de sa cour; mais s'il en a d'ostensibles, il reste juge des cas où le bien du service peut lui conseiller de les produire (1).

On ne pourrait sans violer le droit des gens forcer un ministre public à communiquer ses instructions : il n'a besoin d'autre titre, pour faire ajouter foi à ses paroles, que de la lettre de créance qui le légitime ou du plein-pouvoir dont il est muni (2).

§ 21.

Du chiffre.

L'intérêt des gouvernements exigeant, en bien des occasions, que la correspondance avec leurs agents di

(1) Les Mémoires du comte D'AVAUX fournissent plusieurs exemples de communications de ce genre.

(2) Nous croyons à peine nécessaire d'expliquer le sens de quelques expressions latines employées dans la langue diplomatique, et dont nous avons tout à l'heure fait usage.

On nomme ultimatum la note dans laquelle un ministre public expose ou signifie les conditions que le cabinet dont il est l'organe déclare poser comme définitives. L'ultimatum doit renfermer la demande expresse qu'il y soit fait une réponse prompte, claire et catégorique.

Lorsqu'un négociateur reçoit une proposition qui lui semble s'éloiguer d'une manière essentielle de la pensée de son gouvernement, afin de se donner le temps de le consulter, il n'admet cette propo sition qu'ad referendum; et si, dans un cas d'urgence et vu la distance des lieux, le ministre doit se décider sans retard, il accepte quelquefois, ou rejette, la proposition qui lui a été soumise, sub spe rati, c'est-à-dire sous réserve de ratification.

plomatiques défie toute indiscrétion possible, il est d'usage de se servir de chiffres, tant pour rédiger les ordres ou les instructions expédiés par les chancelleries d'État aux envoyés en pays étrangers, que pour écrire les rapports et dépêches que ces envoyés adressent à leur gouvernement. A cet effet, le ministre des affaires étrangères et son agent au dehors ont à leur disposition des tables chiffrantes et des tables déchiffrantes, les unes pour traduire la dépêche en chiffres, les autres pour reproduire le texte original. Les auteurs qui ont écrit sur la diplomatie ont, pour la plupart, consacré un paragraphe ou un chapitre de leur ouvrage à expliquer l'emploi du chiffre et son mécanisme à la manière ambiguë dont ils se sont exprimés, on pourrait croire qu'ils craignaient de laisser échapper un secret. Sans être retenus nous-même par une discrétion que rien ne nous impose, nous nous abstiendrons d'entrer sur ce sujet dans des développements superflus et de présenter des modèles de chiffres inutiles. Chaque cabinet, en effet, suit à cet égard des procédés différents, et tout diplomate entrant en fonctions y sera nécessairement initié. Les modèles que nous pourrions offrir ici, en allant les puiser dans les traités de cryptographie ('), seraient d'ailleurs très-peu propres à donner une idée exacte de la vérité-pratique.

(1) Polygraphie de l'abbé TRITHÈME, traduite en français, par Collange, 4564, in-4o, et Traité de sténographie, du même auteur, réimprimé à Nuremberg en 1721; Traité des chiffres, par Blaise de VIGENERE, 4586, in-40; Cryptographie, par J.-R. du CARLET, 1644, in-12; Interprétation des chiffres, par CosPI, traduite de l'italien par le P. NICERON, 4644, in-8°; Méthode de chiffrer et de déchiffrer, par

Parmi les nombreux systèmes de chiffres à l'usage des chancelleries et des légations, nous citerons les alphabets ou caractères usuels détournés de leur acception ordinaire, et combinés avec des signes, quelquefois avec des nombres; la grille (1) et l'emploi exclusif des chiffres. Outre l'inconvénient déjà très-grave d'ab

J.-L. KLUBER, dans sa Krytographik (Lehrbuch der Geheimschreibekunst), 1809, in-8°. Dans cet écrit, l'auteur indique les moyens de préserver les dépêches et les lettres du risque d'ètre ouvertes et refermées sans que le bris du cachet soit reconnaissable (pages 31, 49, 56 et 64). Dans son Précis du droit des gens moderne de l'Europe, Kluber, parlant (§ 499) de la transmission des dépêches, en énumère fastidieusement les divers moyens; puis il ajoute : « Pour >> mieux assurer le secret, on écrit quelquefois des dépêches simu» lées ou portant la marque du contre-sens, sous le nom d'une tierce» personne ou sous une adresse feinte, etc., et qu'on expédie par la » poste ordinaire ou par une autre voie peu sûre, à l'effet de les faire >> ouvrir à dessein et de tromper par là la surveillance. » — Nous n'approuvons nullement l'usage de ces ruses puériles, fort peu dignes, selon nous, d'un ministre public à l'étranger. Si, dans quelques circonstances très-exceptionnelles, un diplomate se voyait contraint de recourir à la ruse dans une certaine mesure, il pourrait trouver une excuse de son manque de franchise dans la réciprocité du même tort à son égard (voy. § 55); mais rien ne nous semble plus puéril que ces petites embûches, ces dépêches en tout ou en partie fausses, ou portant un signe convenu à l'avance pour indiquer que leur contenu doit être compris dans un sens contraire à celui qu'elles présentent, et qu'un ministre ferait à dessein tomber en la possession du gouvernement auprès duquel il est accrédité.

(1) Le chiffre qui porte le nom de grille consiste en une série de mots accouplés et entremêlés comme au hasard, mais disposés de manière à présenter un sens exact et complet au correspondant qui en possède la clef. La grille est un carton découpé à jour, lequel, posé sur la dépêche aux points de repère, ne laisse apparents que les caractères nécessaires, et masque les mots de remplissage ajoutés après coup par l'expéditeur, qui au moyen d'un carton semblable a tracé régulièrement les mots significatifs.

sorber, dans la pratique, beaucoup de temps, le , chiffre par lettres et signes ne saurait conserver longtemps ses mystères pour les personnes intéressées à les pénétrer, même en étant privées de la table déchiffrante il n'est pas rare en effet de voir des interprètes parvenir, par une attention soutenue, par la recherche des probabilités, par les rapprochements et les conjectures, à traduire ces hiéroglyphes, et à déjouer ainsi les artifices mis en œuvre pour assurer le secret des dépêches (1). L'emploi de la grille exige également un temps considérable, et ne saurait être appliqué qu'à des correspondances de peu d'étendue ce procédé

(1) Nous ne saurions trop nous élever contre un abus devenu sans doute plus rare de nos jours, mais que nous n'oserions croire tout à fait supprimé.

S'il est vrai, comme l'affirment les moralistes, que « surprendre déloyalement le secret d'autrui c'est commettre un larcin formel, » on s'étonne avec raison que l'inqualifiable abus d'ouvrir, en temps de paix, les lettres et dépêches des ministres publics, pour en découvrir furtivement le contenu, puisse être encore toléré. Un gouvernement qui, de nos jours, recourrait à des moyens honteux dans l'expédition de ses affaires, qui commettrait des actes de fourberie, fausserait ses engagements ou se compromettrait par le mensonge, essaierait en vain de se laver d'une tache qu'aucune raison d'État ne saurait blanchir : serait-ce donc que fouler aux pieds le droit des gens en violant le secret des lettres, que tous les peuples civilisés ont si fort intérêt à rendre sacré, fùt une action moins décriée, et qu'on pût l'envisager cyniquement comme une sorte de prudence politique. En dernier résultat, qu'y gagnet-on? On autorise toutes les puissances à agir à leur tour comme on agit envers elles. Il en est de cette déloyauté comme de ces inventions d'engins meurtriers pour se rendre plus formidable à la guerre, et pour exterminer plus aisément les hommes. L'ennemi se les approprie au bout d'une campagne, les tourne contre leurs auteurs; finalement aucun État n'y gagne, l'humanité seule y perd.

est toutefois de beaucoup préférable à celui qui consiste à se servir de lettres et de signes. Le chiffre par nombres vaut mieux encore que les deux autres : la quantité des combinaisons y est presque infinie : l'emploi en est prompt et facile, tant pour chiffrer que pour déchiffrer.

Inutile sans doute de recommander de ne pas employer les tables du chiffre sans nécessité, et pour la transmission de nouvelles ou d'observations sans importance réelle. Un usage trop fréquent du chiffre aurait le double inconvénient d'en compromettre l'emploi, en livrant de trop nombreuses pages aux calculs des buralistes qui pourraient être chargés d'en découvrir le contenu, et d'éveiller la défiance du gouvernement qui les emploierait à cette besogne. Pour donner le plus de sécurité possible à l'emploi du chiffre, il faut avoir soin, dans la composition des tables, de ne pas reproduire trop souvent le même nombre, de varier la clé des mêmes tables et de les renouveler fréquemment (

§ 22.

Des passe-ports et des sauf-conduits (2).

Délivré

par

l'autorité compétente, le passe-port ga

(1) Des tables de chiffres sont mises également à la disposition des consuls chargés de correspondre, tant avec le ministre des affaires étrangères qu'avec la légation de leur gouvernement dans le pays où ils exercent leurs fonctions.

(2) Voy. T. II, chap. IV, Formules de passe-ports.

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