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Déclarations.

Les déclarations qu'une puissance adresse ou fait adresser au public par l'intermédiaire de ses agents diplomatiques à l'étranger, ou qu'elle fait remettre aux divers cabinets, sont en quelque sorte des mémoires dont le but est de réfuter des bruits mal fondés, de justifier des mesures déjà prises ou à prendre, ou bien d'instruire le public des démarches faites ou à faire. On y parle du souverain ou du gouvernement à la troisième personne; et lorsque ces pièces sont adressées à une puissance en particulier, et qu'elles portent certaines obligations, elles sont ordinairement suivies de contre-déclarations.

Dans l'exercice de leurs fonctions, les agents diplomatiques adressent également, sous forme de notes écrites à la troisième personne en général et signées par eux, des déclarations auxquelles il est répondu par des contre-notes. Nous en placerons quelquesunes de cette nature à la suite des déclarations de cabinet et de gouvernement que nous donnons ici, afin de comprendre sous le titre de déclarations les documents divers qui portent spécialement ce nom dans le langage diplomatique.

D'autres documents, qui ne sont en réalité que des déclarations, sont connus sous le nom de manifestes, exposés des motifs de conduite, protestations, mémoires, pour lesquels nous renvoyons aux divers paragraphes qui traitent de ces documents (').

(1) C'est aux déclarations et proclamations qu'appartiennent les hatti-sheriffs du sultan.

DÉCLARATIONS.

Déclaration du roi de Prusse, sur sa rupture avec l'Angleterre. (1807.)

Le roi s'étant obligé, par l'article 27 du traité de paix de Tilsit, conclu le 9 juillet 1807, à fermer sans exception tous les ports des États prussiens au commerce et à la navigation britannique, tant que durerait la présente guerre entre la France et l'Angleterre, S. M. n'a pas hésité de prendre progressivement les mesures les plus convenables pour remplir ses engagements.

En ordonnant ces mesures, S. M. ne se dissimulait pas les préjudices et les pertes qui en résulteraient pour le commerce de ses États en général et celui de ses sujets, qui, par une longue suite de malheurs, avaient acquis de nouveaux droits à sa sollicitude et à sa bienveillance paternelle; mais alors, S. M. se livrait encore au consolant espoir que la médiation offerte par la Russie à l'Angleterre, en accélérant le retour de la paix définitive entre la France et la Grande-Bretagne, amènerait incessamment aussi un ordre de choses plus rassurant pour les intérêts particuliers de chaque puissance.

Le roi a été trompé dans sa juste attente; les événements qui ont eu lieu depuis, et qui sont trop connus pour avoir besoin d'être rappelés, loin de rapprocher l'époque si désirée d'une pacification générale n'ont fait que la reculer davantage.

Toute communication est rompue entre la Russie et l'Angleterre. La déclaration de S. M. l'empereur de toutes les Russies, publiée le 26 octobre de cette année, prouve qu'il n'y a plus de rapports entre ces deux puissances. S. M. prussienne, intimement liée par toutes ses relations à la cause et au système des puissances continentales voisines et amies, n'a d'autres règles de conduite que ses devoirs fondés sur l'intérêt de ses États et sur des obligations contractées par un traité solennel.

Conformément à ces principes, S. M. n'ayant plus égard à des considérations qu'elle avait respectées jusqu'ici, dans le vain espoir d'une prompte pacification générale, et ayant refusé, de

puis la mission de lord Hutchinson, de recevoir à sa cour aucun agent diplomatique anglais, vient d'ordonner à sa légation à Londres de quitter aussitôt l'Angleterre et de revenir sur le continent.

S. M. le roi de Prusse, en faisant connaître les résolutions dont ses engagements et l'intérêt de sa monarchie lui font un devoir, déclare, par la présente, que jusqu'au rétablissement de la paix définitive entre les deux puissances belligérantes il n'y aura plus aucune relation entre la Prusse et l'Angleterre. FRÉDÉRIC-GUILLAUME.

Memel, le 1er décembre 1807.

Déclaration des puissances alliées, publiée à l'entrée de leurs armées sur le territoire neutre de la Suisse. (1813.)

La marche irrésistible d'une guerre sur le caractère et le but de laquelle il ne peut plus exister deux manières de voir parmi tous les contemporains justes et éclairés ; la nécessité de consolider les heureux résultats qu'on a obtenus jusqu'à ce jour, et le désir d'atteindre, par les moyens les plus prompts et les plus énergiques, le but qu'on s'est proposé, une paix solide et durable, ont conduit sur les frontières de la Suisse les armées des souverains alliés, et les forcent, pour la continuation de leurs opérations, à traverser une partie de son territoire. Aux yeux du monde, cette démarche est peut-être suffisamment justifiée par la nécessité qu'impose une entreprise dont la justice est généralement reconnue ; cependant une considération d'une si haute importance ne paraîtrait pas suffisante aux puissances alliées, si la Suisse se trouvait dans une situation qui lui permît d'opposer aux progrès de leurs armes une neutralité légitime et véritable; mais la Suisse est si peu dans ce cas, que tous les principes du droit des gens autorisent à regarder comme nul ce qu'aujourd'hui elle appelle sa neutralité.

Les puissances alliées contestent si peu le droit de chaque État indépendant de fixer, à son gré et suivant sa politique, ses rapports avec les États voisins, que c'est principalement pour le maintien de ce droit qu'elles ont pris les armes. L'État, même le

moins considérable, ne doit pas être gêné dans le choix des mesures politiques qu'il lui convient de prendre, aussitôt qu'il est capable de se déterminer librement et sans influence étrangère ; et si, dans une lutte entre deux voisins plus puissants que lui, il se déclarait neutre, toute violation de son territoire serait une infraction au droit des gens.

Mais il ne peut exister de véritable neutralité pour un État tant qu'il ne jouit pas d'une véritable indépendance. La prétendue neutralité d'un État qui n'est pas accidentellement dirigé, mais qui est régulièrement gouverné par une volonté étrangère, est pour lui-même un mot vide de sens, pour ses voisins une épée à deux tranchants, tandis qu'elle assure à l'État dont il porte les fers un avantage permanent sur ses adversaires, et un moyen immanquable d'exécuter ses desseins. Lorsque par conséquent, dans une guerre dont le but précis et unique est de mettre des bornes à une prépondérance menaçante, cette neutralité fictive sert de rempart à l'injustice et devient un obstacle pour les projets de ceux qui veulent établir un meilleur ordre de choses, elle doit disparaître en même temps que la source du mal qu'elle protége.

S'il est une vérité incontestable, c'est que telle serait la position de la Suisse, d'une part envers la France, de l'autre envers les souverains qui ont pris les armes pour l'indépendance de l'Europe, si la neutralité proclamée par son gouvernement fédératif était maintenue.

L'histoire de ce pays intéressant, qui sous les rapports géographiques, militaires, politiques et moraux a durant tant de siècles fait un des principaux ornements de l'Europe, en conservant la pureté de ses principes, ne présente depuis quinze ans qu'une suite de violences employées par les dominateurs de la France pour renverser sa constitution vénérable, saper sa liberté et son bien-être, entraîner ses paisibles habitants dans des guerres intestines, piller ses trésors, fruits d'une sage économie, démembrer de tous côtés son territoire, et fouler aux pieds ses droits les plus sacrés. Après que la Suisse eut souffert tous les maux et tous les opprobres que la cruauté de ses oppresseurs fut capable d'inventer; après qu'elle eut, avec ses provinces occidentales et mé

ridionales, perdu les boulevards de son indépendance contre la France; après qu'elle eut, avec ses lois, ses richesses, ses institutions, le sentiment de sa force, et avec la concorde intérieure, perdu la force nécessaire pour résister, il lui fut enfin, en 1803, imposé, sous le nom vague et difficile à expliquer d'acte de médiation, une forme de gouvernement qui devait, disait-on, mettre un terme à ses souffrances, mais qui, dans le fait, ne fit que mettre le sceau à sa nullité politique la plus complète, et préparer les voies à de plus grands maux; forme de gouvernement qui, sans les conjonctures heureuses actuelles, aurait tôt ou tard amené sa ruine totale.

Cette forme de gouvernement était uniquement calculée pour donner de la régularité, de la durée, et une apparence de légitimité à la domination que la France avait jusqu'alors exercée sur la Suisse d'une manière arbitraire, irrégulière, et souvent même criminelle. Le succès a répondu à l'attente. Au milieu des orages qui depuis dix ans dévastent l'Europe, la Suisse n'a acheté l'ombre de tranquillité dont elle a joui qu'en se soumettant aveuglément à la volonté toute-puissante de la France. Tout ce qu'elle avait pu sauver de forces et de ressources dut être consacré au service de la France. Un signe donné par l'empereur des Français était une loi pour elle; aucun État voisin ne put compter sur la moindre faveur, par la crainte de déplaire à la France. Aucune opposition aux demandes de cette puissance, lors même que, pour ce qui avait lieu par les prohibitions relatives au commerce, elles tarissaient les sources de l'industrie et de la subsistance; aucune mesure capable, même pour les affaires d'un intérêt secondaire, de mettre des bornes à l'influence du dominateur étranger; aucune plainte, aucune manifestation du plus juste mécontentement ne furent permises. Sans être injuste envers les hommes qui, dans des circonstances si difficiles, ont pris part aux affaires publiques; sans juger leur conduite avec une trop grande sévérité; sans jeter un faux jour sur les motifs de leur conduite, et sans élever le plus léger doute sur leur patriotisme, il est permis de proclamer un fait dont toute l'Europe a été témoin: c'est que si la Suisse, sous la constitution qu'on lui a imposée, a formé, de nom, un corps politique à part, elle a

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