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De la langue employée dans les relations diplomatiques.

Tous les États souverains jouissant d'une indépendance et d'une égalité mutuelles, on ne peut contester à aucun le droit de se servir, dans les relations politiques, de la langue indigène, ou d'une langue étrangère, à son choix, ni même jusqu'à un certain point de prétendre qu'on l'emploie pour traiter avec lui. Cependant, pour éviter les contestations ou oppositions qu'aurait fait indubitablement surgir cette prétention, et échapper aux inconvénients sans nombre qui eussent résulté de cette diversité d'idiomes si aucune d'elles n'eût voulu se relâcher de son droit, on convint de se servir d'une langue neutre, et l'on choisit à cet effet la langue latine ('). Cet usage fut suivi jusqu'au dix-huitième siècle; mais déjà, sous le règne de Louis XIV, la langue française, s'imposant peu à peu par ses chefs-d'œuvre à la société polie européenne, devint l'idiome des cours (2), et se sub

(Les traités de paix de Nimègue, de Ryswyk, d'Utrecht; le traité de Bade, de 1714; de Vienne, de 1725 et de 1738, ainsi que la Quadruple-Alliance de Londres, de 4718, furent encore rédigés en langue latine. En 1752, un plénipotentiaire autrichien harangua même en latin le roi de Naples. Les bulles du pape sont aujourd'hui encore écrites dans cette langue. Quoique le traité de Luneville, en 1801, ait été dressé en français seulement, et même sans clause préjudicielle, la ratification de l'empereur d'Allemagne fut donnée en latin, ainsi que c'était l'usage à la chancellerie impériale de Vienne.

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(2) Ce qui distingue notre langue des langues anciennes et modernes, c'est l'ordre parfait dans la construction de la phrase. Le d'abord le sujet du discours, ensuite le verbe qui

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stitua généralement à la langue latine dans les actes et offices diplomatiques (').

Lorsque les parties intéressées ne peuvent tomber d'accord sur le choix de la langue, et que chacune s'obstine à vouloir se servir de la sienne, tant pour les relations ordinaires que pour la rédaction des traités, on rédige de ceux-ci deux instruments originaux.

est l'action, et enfin l'objet de cette action voilà la logique natu relle, voilà ce qui constitue le sens commun. Or, cet ordre si favorable, si nécessaire au raisonnement, est presque toujours contraire aux sensations, qui nomment le premier l'objet qui frappe le premier c'est pourquoi tous les peuples, abandonnant l'ordre direct, ont eu recours aux tournures plus ou moins hardies, selon que leurs sensations ou l'harmonie des mots l'exigeaient; et l'inversion a prévalu sur la terre, parce que l'homme est plus impérieusement gou→ verné par les passions que par la raison.

» Le Français, par un privilége unique, est seul resté fidèle à l'ordre direct comme s'il était tout raison; et on a beau, par les mouvements les plus variés et toutes les ressources du style, déguiser cet ordre, il faut toujours qu'il existe : c'est en vain que les passions nous bouleversent et nous sollicitent à suivre l'ordre des sensations, la syntaxe française est incorruptible. C'est de là que résulte cette admirable clarté, mérite distinctif de notre langue : CE QUI N'EST PAS CLAIR N'EST PAS FRANÇAIS. » (RIVAROL, de l'Universalité de la langue française.)

(1) Depuis cette époque, dans la plupart des traités conclus avec la France, on a soin d'insérer un article séparé pour déclarer que la langue française a été employée sans tirer à conséquence pour l'avenir. Dans l'acte final du congrès de Vienne, l'art. 120 porte ce qui suit : « La langue française ayant été exclusivement em»ployée dans toutes les copies du présent traité, il est reconnu par » les Puissances qui ont concouru à cet acte que l'emploi de celte » langue ne tirera point à conséquence pour l'avenir; de sorte que >> chaque Puissance se réserve d'adopter, dans les négociations et >> conventions futures, la langue dont elle s'est servie jusqu'ici dans » ses relations diplomatiques, sans que le traité actuel puisse être » cité comme exemple contraire aux usages établis. »

Cette manière de procéder rend toutefois les négociations plus longues et plus difficiles ('), et les actes et les traités en souffrent quelquefois, quant à la clarté et à la précision.

Bien qu'il semble naturel qu'entre des puissances qui ont une même langue on s'en serve de préférence à toute autre, souvent cependant, et notamment entre les États de l'Allemagne, la langue française a prévalu.

Néanmoins, la diète de la Confédération germanique à Francfort, dans sa séance du 12 juin 1817, a arrêté que, pour ses relations extérieures, elle ne se servirait que de la langue allemande, en ajoutant une traduction française ou latine, à charge de réciprocité. Quant à ses relations intérieures, les actes et offices qui lui sont adressés doivent être rédigés en allemand.

A Constantinople, les communications écrites se font la plupart du temps en français; elles sont traduites ensuite en langue turque par le drogman de la Porte, pour l'usage des ministres ottomans. Dans les conférences à protocole, ce dernier, rédigé en turc par

(1) Lors des négociations de Rastadt, en 1797 et 99, les ministres de la députation de l'Empire germanique, ainsi que les envoyés de France, correspondirent chacun dans sa langue, sans y joindre de traductions. Le même mode fut encore suivi en 1802 et 1803, à l'assemblée de la députation de l'Empire à Ratisbonne. A la diète, les ministres des puissances étrangères ajoutaient des traductions latines à tous les actes et offices diplomatiques qui étaient rédigés dans la langue de leur pays. Au congrès de Vienne, toutes les affaires, à l'exception de celles qui concernaient exclusivement les intérêts des États de l'Allemagne, furent traitées en français.

les ministres de la Porte, et en français par les ministres étrangers, doit être collationné de part et d'autre pour faire foi en cas de discussion (').

(1) La Porte n'admettant comme obligatoires que les actes rédigés en langue turque, condition que les puissances européennes n'ont point voulu admettre, les traités conclus avec elle sont toujours expédiés en deux ou plusieurs langues.

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de maisons impériales ou royales. Courtoisie. Fautes contre le cérémonial.

Le protocole de chancellerie est la règle du cérémonial () à observer dans les pièces diplomatiques : il énonce les titres et les qualifications à donner aux États, à leurs chefs et à leurs ministres; il règle la mesure des honneurs et le rang auxquels ils ont droit; il indique les formes et la courtoisie d'usage dans les diverses compositions. (Voy. chap. vi et son Appendice.)

Nous nous sommes occupé au chap. x du T. 1", §§ 82-90, de la partie du cérémonial relatif au rang, aux honneurs et à la préséance, et nous y renvoyons le lecteur.

Des titres des souverains de l'Europe.

Si par suite de l'égalité naturelle qui existe entre les États souverains chacun d'eux peut attribuer à

(1) Le cérémonial diplomatique est moins insignifiant qu'il ne semble si on l'envisage comme moyen de subordination et de discipline dans la hiérarchie des pouvoirs. L'oubli ou le refus d'observer ces graves riens pouvant être considéré comme une inconvenance ou un outrage, il importe de prévenir cette interprétation par l'observance des formes, qui écarte la familiarité et les abus.

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