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Laurent de Médicis, a prononcé, à l'ouverture de cette Société, en 1818, sur l'origine et les révolutions de la littérature, des sciences et des arts, et sur leur influence, dans l'état présent de la société humaine.

(La suite à l'un des prochains cahiers.)

OUVERTURE DU COURS D'ARABE VULGAIRE,

Al'École spéciale des Langues orientales vivantes, le 8 décembre 1819.

C'EST un des plus grands bienfaits de la paix et de l'organisation du gouvernement constitutionnel, que le rétablissement des rapports de toute espèce entre la France et les contrées étrangères, qu'une guerre acharnée avait isolées de nous pendant un quart de siècle. Que l'on compare sans passion, et en mettant à part tout esprit de parti, le mouvement général qui porte vers l'amélioration de toutes choses, l'échange des découvertes entre les nations des deux mondes, les communications scientifiques de l'ancien continent avec le nouveau, et du nouveau avec l'ancien ; enfin, le commerce de ¿ relations amicales établi entre toutes les parties de l'Europe savante et lettrée ; que l'on compare, disje, d'aussi heureux résultats produits en cinq aunées, avec l'interruption de tout rapport de cette espèce entre nous et les peuples, même les plus voisins, avec l'ignorance où chacun d'eux était resté des progrès des autres vers la civilisation; alors,

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on reconnaîtra que nous marchions à grands pas vers un système d'exclusion totale, vers un isolement presque aussi absolu que celui des Chinois, et qui n'aurait pu, chez nous, avoir quelque durée, sans devenir funeste; tandis. que cette nation peut réellement se suffire, et dédaigner, sans péril pour l'État, les communications étrangères. D'un autre côté, pendant que nous voyions se rompre tous les jours quelque nouveau nœud, une nation voisine profitait de nos pertes, et multipliait ses relations sur tous les points de la terre, particulièrement dans la Méditerranée, qu'on était dès long-temps accoutumé à regarder comme le domaine de notre marine marchande. Négligeant des avantages qui sont certains et près de nous, et que nature semble nous avoir donnés par une sorte de privilége, nous cherchions un vain dédommagement dans des triomphes éphémères et dans des conquêtes lointaines, qu'un jour pouvait ravir, et dont une gloire brillante n'a pu racheter les désastres. Déplorons les trésors et les sacrifices perdus ; et puisque l'humanité devait avoir à gémir de tant de sang versé, regrettons que, du moins, il n'ait pas été répandu pour la conservation d'un droit précieux, d'une ancienne prééminence dans cette mer qui baigne nos riches provinces du midi. En maintenant cette prérogative naturelle, nous aurions pu établir, par la suite, soit en Morée, soit dans l'Asie mineure, soit dans l'Afrique septentrionale, et surtout en Égypte, les relations de commerce les

plus étendues. Les cultures et les produits des deux Indes auraient été naturalisés sans peine sur les rives si fécondes du Nil, et peut-être aurait-on pu relever ce vaste commerce dont Alexandrie fut l'entrepôt pendant près de vingt siècles, pour l'avantage commun des nations. Le commerce de l'Inde aurait pu reprendre, en partie, son ancienne route; et la balance politique aurait repris en même temps, un équilibre, qui, aujourd'hui, semble rompu pour jamais. Toutefois, s'il existe quelque remède à un mal si grave, on le trouvera sans doute en renouant, le plus qu'il sera possible, des liens de commerce et d'amitié avec les contrées du Levant. La tentative que la France a faite à main armée, sur les bords du Nil, à la fin du siècle dernier, devait avoir ce résultat. Bien moins hostile que pacifique, cette conquête devait reporter la civilisation dans son berceau; et rendant à l'Égypte son industrie, ses arts et sa prospérité, rétablir de grandes liaisons commerciales, au profit de toutes les nations européennes. Les ennemis les plus acharnés du nom français, n'ont pu contester cette vérité.

Il faut, du moins aujourd'hui, entretenir, dans ces contrées, des voyageurs et des agens instruits, capables d'y répandre peu à peu des idées de civilisation, d'agriculture, de commerce et d'industrie.. Le souvenir de l'expédition française n'est pas effacé. Les habitans n'oublieront jamais qu'au milieu des appareils de la guerre, nous faisions fleu

rir chez eux tous les arts de la paix; leur adresse et leur sagacité les disposaient sans peine à saisir、 nos procédés industriels, à les exécuter avec intelligence. On a la certitude acquise, que, de tous les peuples qui professent l'islamisme, les Égyptiens sont les moins éloignés de participer à la civilisation européenne. Peut-être suffirait-il de composer dans leur langue, et surtout dans le vrai style de leurs écrivains modernes, de bons ouvrages élémentaires, et des dictionnaires bien faits, de les faire d'abord goûter et accueillir par des Cheykhs instruits et influens, et d'entretenir, sur plusieurs points, quelques hommes versés dans les mœurs du pays, et bien familiarisés avec l'usage de l'arabe vulgaire.

Si l'on rejette ces vues comme prématurées, du moins personne n'oserait nier de quelle utilité il serait, pour les agens diplomatiques ordinaires, ou pour leurs subalternes, et pour les simples commerçans qui fréquentent le Caire, Alexandrie, Damiette et Rosette, de posséder parfaitement la langue usuelle et parlée; de traiter directement leurs affaires avec les habitans, sans interprète et sans intermédiaire; de lire toutes les écritures commerciales ; de distinguer, sans équivoque, les noms des productions et des substances qui entrent dans le commerce d'Orient, et beaucoup d'autres noms que souvent on a confondus de la manière la plus bizarre. Qui pourra contester encore l'avantage que les voyageurs, savans, philologues, géographes, naturalistes ou littérateurs, pourraient retirer d'une connaissance exacte et pra

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tique de l'arabe vulgaire, soit pour agrandir le champ des découvertes, en interrogeant les habitans sur les monumens encore inconnus de cette terre classique, et sur ses productions naturelles; soit pour obtenir des lumières sur l'Afrique orientale et centrale, vers laquelle toute l'Europe a maintenant les yeux fixés? En effet, ces contrées envoient au Caire, tous les ans, de nombreuses caravanes; et l'Égypte est encore, comme elle l'a été jadis, une sorte de rendez-vous pour les peuples de l'Afrique intérieure,, C'est un fait incontestable pour quiconque a vécu

Égypte pendant quelques années, et a comparé les rapports des chefs des caravanes qui se rendent au Caire, avec les récits d'Hérodote, de Diodore, et les descriptions de Strabon, de Pline et de Ptolémée.

Tels sont, sans doute, les motifs généraux qui ont présidé à la création d'une chaire d'arabe vulgaire, à l'École spéciale des langues orientales vivantes. Le gouvernement a voulu ajouter encore à l'utilité des. leçons philologiques d'arabe littéral, données par de savans professeurs, tels que MM. Silvestre de Sacy et Canssin, les jugeant insuffisantes pour atteindre å ce but d'intérêt public. Et en effet, la littérature arabe est si riche, si variée, si difficile; les livres imprimés en cette langue sont en si petit nombre, si rares et si chers, que plusieurs années de suite d'un travail opiniâtre ont peine à produire un bon élève; et quand il est enfin parvenu à entr'ouvrir le sanctuaire, il n'a rien appris encore de la langue parlée. Cependant, il n'en est pas de l'arabe comme

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