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IMPRIMERIE L. TOINON ET C, A SAINT-CERMAIN.

DE BOSSUET

TOME PREMIER

PARIS

LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET Cie

BOULEVARD SAINT-GERMAIN, N° 77

-

1868

HARVARD COLLEGE LIBRARY

FROM THE LIBRARY OF

JOHN GRAHAM BROOKS
APRIL 25, 1939

173

かしこ

NOTICE SUR BOSSUET.

III

1. Biographie.

Bossuet n'appartenait pas, comme son illustre rival Fénelon, à l'aristocratie nobiliaire; il était né dans les rangs de la bourgeoisie, mais sa naissance ne lui fut pas un obstacle. Au contraire; il y avait alors une aristocratie bourgeoise qui, riche, bien apparentée et pieine d'une ambition savante et intelligente, se partageait un grand nombre d'emplois importants et solides, ne laissant guère à la noblesse proprement dite que les places de guerre et de cour. Telle était la famille de Bossuet, et c'est pour cela qu'il fut tonsuré à huit ans, chanoine à treize ans, et archidiacre à vingt-quatre. Il naquit à Dijon, le 27 septembre 1627, de Bénigne Bossuet, seigneur d'Assu, et de Madeleine Mouchette, et reçut au baptême les noms de Jacques-Bénigne. Son père était avocat, et conseil des États de Bourgogne. Il n'avait pu être membre du parlement, parce qu'il avait six de ses plus proches parents dans les charges. Lorsque le parlement de Metz fut créé, il y suivit son oncle maternel Antoine de Bretagne, nommé premier président, et y fut lui-même conseiller. C'était en 1633, et Jacques-Bénigne, son cinquième fils, n'avait que six ans1. Il le laissa à Dijon, ainsi que ses frères et toute la famille, et partit seul pour sa nouvelle résidence. Metz était alors, pour un habitant de Dijon, une ville presque lointaine, et cette séparation était un dur sacrifice. Le père ne pouvait venir visiter sa famille qu'une fois chaque année, aux vacances du parlement.

Disons sur-le-champ que le frère aîné de Bossuet, Antoine, devint plus tard maître des requêtes et intendant de Soissons. Le reste de ses frères et sœurs ou moururent jeunes, ou ne laissèrent pas de traces dans sa vie. Les enfants furent confiés à leur oncle, Claude Bossuet, conseiller au parlement, qui s'occupa tout spécialement de JacquesBénigne dont il était le parrain. Il le mit aux Jésuites, où il fit sa rhétorique avec un succès éclatant. On assure, ce qui n'a rien que de vraisemblable, que les jésuites voulurent le retenir dans leur société; mais sa famille avait d'autres vues, et Bossuet vint à Paris en 1642 pour y étudier la philosophie et la théologie. Il entra dans la capitale le jour même où l'on y ramenait Richelieu mourant, à la suite de ce terrible

1. Bossuet était le septième des dix enfants et le cinquième de six garçons. BOSSUET.

I

a

35oyage qui se termina par le supplice de de Thou. On était à la fin du règne de Louis XIII, à la veille des troubles de la Fronde; Bossuet, alors dans sa quinzième année, retiré dans la maison de Navarre, et tout occupé de ses études qu'il poursuivait sans distractions et avec une ardeur croissante, vit du rivage passer devant lui toute la guerre civile, et prit peut être de ce spectacle ce goût de l'autorité qui fut le caractère dominant de son esprit.

La maison de Navarre avait alors pour grand, mattre un homme aujourd'hui profondément oublié, mais qui était fameux dans un temps où la théologie passionnait les esprits à l'égal de la politique; c'était Nicolas Cornet. celui-là mêmequi dénonça le premier les cinq propositions de Jansenius, et donna le signal de ces longues querelles. Nicolas Cornet, homme d'ailleurs plein de fermeté et de mesure, et qui ne prévoyait pas les scandales de la bulle Unigenitus et l'emportement des jésuites contre Port-Royal, fut le premier maître, le premier protecteur, et jusqu'à sa mort l'ami fidèle et dévoué de Bossuet: ce point est à noter dans la vie d'un théologien et d'un évêque, à cause de l'importance que prit bientôt dans l'Eglise la querelle du jansénisme. Bossuet, tout en étudiant la philosophie, achevait, suivant l'usage, ses études classiques, et apprenait à fond le grec, l'histoire, les poètes; il ne négli gea que les mathématiques. Sa thèse de philosophie fut dédiée à Cospéan, évêque de Lisieux et prédicateur à la mode. Ce nom, entouré alors d'un certain éclat, les entours de Bossuet qui avait un oncle, François Bossuet, secrétaire du conseil des finances et riche de quatre millions, et le talent qu'il déploya dans la soutenance, commencèrent à le faire percer, malgré sa jeunesse. On parla de lui dans les ruelles. François Bossuet le fit connaître à Mme du Plessis-Guénégaud, femme du secrétaire d'Etat; le marquis de Montausier le mena à l'hôtel de Rambouillet, où les précieuses s'amusèrent à lui faire improviser un sermon. C'était alors un véritable régal de grande dame qu'un sermon prêché dans un boudoir par un écolier de dix sept ans. Ce monde des précieuses, si malmené depuis par Molière, fut hanté par quatre des esprits les plus originaux et les plus libres dans leur style qu'ait produits le dix-huitième siècle : la Fontaine, Corneille. Mme de Sévigné et Bossuet. Il n'y manque en vérité que Pascal et Molière lui-même. Tout ce futur grand siècle était jeune alors: Marie de Rabutin Chantal n'avait que quinze ans, Pascal, Molière, la Fontaine en avaient vingt; Corneille, le plus vieux, en avait trente-cinq'. Le sermon de Bossuet, prêché à onze heures du soir, alla aux nues. On a conservé un médiocre hon mot de Voiture qui, faisant allusion à l'heure du sermon et à l'âge lu prédicateur, s'écria qu'il n'avait jamais entendu prêcher ni si tôt si tard.

Bossuet, gradué en philosophie, se préparait alors au baccalauréat, qui était la première épreuve théologique et le degré pour parvenir à la licence. Son compagnon d'études et son rival était l'abbé de Rancé,

1. Mme de Sévigné (Marie de Rabutin Chantal) est née en 1626, Pascal en 623 Molière en 1622, Lafontaine en 1621, et Corneille en 1806.

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