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LA Seconde Epitre traite de la nature & de l'état de l'Homme, par rapport à lui-même, confidéré comme individu. Le portrait de l'Homme eft formé d'un contrafte d'ombres & de lumieres, d'un compofé de vices & de vertus. Le Poëte pour en aprofondir la nature nature, remonte jufqu' à leurs principes. C'eft de l'amour propre que naiffent les paffions dont le penchant nous porte vers le mal, & que la raifon doit s'efforcer de détourner vers le bien enforte que les vices & les vertus font entées fur les paffions qui font les élémens de notre nature. Toutes ces paffions, même les vices font des inftrumens de la Providence, des moyens du bien général . Mr. POPE infifte beaucoup fur' ce principe qui résulte naturellement de ce qu'il a établi dans la premiere Epître, où il a fait voir qu'on doit tout rapporter à la totalité de l'Univers, & à l' Etre fuprême, n'agiffant que pour une feule grande fin. En effet, c'eft des différentes foibleffes diftribuées par la fageffe de la Providence aux différens ordres du genre humain, que réfulte leur dépendance, leur union, leur force. Des paffions fortables accompagnent chaque état, & ce que la connoiffance peut renverfer, ces paffions le relevent. De cette fage & utile diftribution de foi

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bleffes & de paffions fuit cette conféquence, que, QUOIQUE L'HOMME SOIT FOLIE, DIEU EST TOUT SAGESSE.

LA Troifiéme Epitre traite de la nature & de l'état de l'Homme confidéré par rapport à la Societé. Le Poëte y envifage d'abord l' union & la relation générale de tous les Etres; les dépendances mutuelles de l'Homme & de la bête, & leurs fervices réciproques : il : il y fait voir comment la bête eft conduite par l'inftinct, & l'Homme par la raifon

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l' un & l'autre vers le même but: que c'est même l'inftinct qui a jetté les premiers fondemens de la Société humaine, & qui a donné à l'Homme les premiers exemples de la Société civile. Il en examine l'origine, examen qui conduit à la connoiffance d'un premier Pere de tous les Hommes, DIEU Créateur; & qui réunit la fource du gouvernement à celle de la Religion. L'amour étoit la base de l' une & de l'autre dans leur premiere origine. C'eft la crainte qui a établi la tirannie & la fuperftition. Les Hommes devenus tirans & vicieux crurent en des Dieux tirans & vicieux. L' amour propre aveugle produifit ces maux, & le même amour propre éclairé les re&tifia, & apprit qu' un gouvernement fondé fur la violence ne peut fubfifter long

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tems De-là l'établiffement des Loix qui font fondées fur les befoins mutuels ; de-là l'établiffement de cette vérité fondamentale, que pour l'amour de foi-même il faut aimer les autres, & que par conféquent LE VERITABLE AMOUR PROPRE & L'AMOUR SOCIAL NE SONT QU'UN.

LA Quatrième Epitre traite de la nature & de l'état de l'Homme par rapport au Bonheur. C'est un but auquel tous les Hommes tendent par l'impulfion de la nature; il doit par conféquent être d'une nature telle que tous puiffent y atteindre : & comme Dieu n'agit point par des loix particulieres mais par des loix générales & que toute la nature n' eft qu'un feul fifteme, le bonheur doit confifter, non dans le bien d'un feul, mais dans le bien de tous; le bonheur de l'un doit dépendre de celui de l'autre & tout bonheur particulier du bonheur général. Il ne peut donc confifter dans la poffeffion des biens de la fortune, qui, pour l'ordre, la paix & le bien-être de la fociété, doivent être inégalement diftribués . A les bien aprécier, ils fe réduifent à la fanté, à la paix & au néceffaire. Le néceffaire eft le fruit du travail; la fanté fe maintient par la tempérance; & pour la paix, c'eft la vertu feule qui la donne; elle joint à la

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jouiffance des autres biens un plaifir que le fcélérat ne fçauroit goûter; tous les avantages du vice, elle les fuit, elle les dédaigne. La vertu & le vice ont leur récompenfe & leur punition propres, le repos ou l'agitation de l'ame, l'approbation ou le reproche de la confcience. Le vice entraine avec lui un levain qui empoisonne tout richeffes, dignités, naissance, grandeurs, renommée & même talens fupérieurs, rien ne peut rendre heureux l' efclave du vice. Il n'y a que Il n'y a que la vertu feule qui puiffe extraire du bien de tous les objets; elle feule peut faire goûter le bien fans mélange de mal. Le Poéte prouve enfuite que la vertu confifte dans l' AMOUR DE DIEU & dans celui du PROCHAIN. Ce n'eft que l'amour de Dien & celui du Prochain, qui peuvent conftituer un bonheur qui s'accorde avec le fi fteme général, qui s'accorde avec notre fifteme particulier, & qui faffe dépendre tout bonheur particulier du bonheur géné ral propriétés caractéristiques de la véritable vertu & du véritable bonheur. Leur liaison & leur reffemblance prouvent que

LA VERTU SEULE FAIT ICI BAS NOTRE BONHEUR.

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REFLEXIONS

En Réponse à quelques Critiques:

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On trouve dans l'Effai fur l'Homme un Philofophe profond un Poëte vraiment fublime. Cet ouvrage ne peut nuire qu'aux efprits corrompus qui tournent tout en venin. Un efprit droit en tirera un bon fuc, de grandes vûes & des maximes utiles. J'emprunte ce jugement d' un illuftre Sça

vant.

Il y a beaucoup de témérité, & un zele peu éclairé, peu charitable & par conféquent peu chrétien, dans les objetions de ceux qui s'érigeant en Scrutateurs des cœurs des reins ont donné leurs foupçons imaginaires pour les motifs cachés de l'Auteur. Qui ne mépriseroit ces Critiques, voiant qu' elles viennent de la part de perfonnes qui ne connoiffent ni le caractere, ni les ouvrages de celui qu'ils attaquent? Mr. POPE étoit un de ces caracteres mâies, incapable de pallier la vérité de fes fentimens & d'avoir dans un ouvrage d'autres vues que celles qu'il paroiffoit avoir. La flaterie & la diffimulation lui auroient été inconnues s'il n'avoit fallu qu' en être exempt pour les ignorer il étoit fi éloigné de ces vi

ces,

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