dure?... Que dis-je ? Et quels font mes transports infenfés? Le courageux Orphée, plus fort que la nature, de fire fans foibleffe, & tu n'aimes que mon bonheur. Eft-ce à moi d'élever ton ame? Eft-ce à moi de règler tes fens, tes plaisirs? Ah! Dieux ! tu vas m'apprendre à fentir comme on aime ! Beugnet QUOI X L. ce Uor! du trifte néant de l'éternelle insensibilité, je passe en un instant à tous les goûts de la nature ! Orphée ! je vais donc me fentir dans tes bras! Dieux protecteurs ! Quel fens délicieux! Qu'il eft doux! Qu'il est vif! Ah! cher Orphée, qu'il eft près de mon ame, ce fens de tous les fens, fens univerfel qui fupplée tous les autres, qui les éclaire & les rends fì parfaits, qui de chacun surpasse la propre volupté, & que tous ensemble ne fçauroient égaler ! L'humanité lui doit fon nom fublime; c'eft pour lui feul, c'eft pour goûter fes charmes, que les Dieux même, descendant fur la terre, préferent au nectar la forme des Mortels.... Je vais donc te preffer fur mon fein! Et Et mes lèvres ardentes vont exprimer fur ta main généreufe l'empreinte des plaifirs & du bonheur célefte!... Ah! tous nos tourmens vont finir; les vœux du tendre amour font exaucés, l'Époux le plus fidelle va rendre au monde la conftance & la vertu. Heureufe Euridice! Tu vas fuivre le favori des Dieux, l'ame de l'Univers. Quelle félicité pour Orphée! Qui pourroit comprendre ma joie, ne concevroit point encore la tienne. Oui, le Ciel eft jufte & le Dieu des Morts confent à lâcher fa proie.... Mais, hélas! la promeffe même du Dieu du Styx peut-elle être une bonté des Cieux ? Ne pouvoiton me rendre à tes defirs, fans toutes ces restrictions ameres, qui gâtent les bienfaits, les affoibliffent, & les rendent encore plus offenfans que lextrêm me refus? Quoi! dans l'inftant qui va nous rapprocher & réunir nos ames ୧ Orphée ne pourra donc jetter fur fon Époufe un regard favorable ? Quoi! s'il t'échappe un coup d'œil, pour jámais je te fuis ravie ! Arrêt cruel, digne encore de l'abîme & d'un rival jaloux; il a dit dans fon cœur : pourront-ils obferver ces decrets terribles? réprimeront-ils ces defirs violens que le malheur même irrite encore plus que l'amour?... Orphée ! quels horribles préfages Terre & Cieux! frémissez ! Ah! tu rejettes avec mépris mes indignes terreurs; fûr de ton épouse pourrois-tu douter de fa préfence? Non, non, pendant ce dangereux paffage, le plaifir de m'entendre ne t'est pas interdit; l'amour fatisfait va répandre dans ma voix cette chaleur douce & brillante qu'il t'eft défendu de chercher dans mes yeux.... Déja je m'élance fur tes pas.... Que notre vol eft rapide?... Déja l'efpace immense |