côté d'Euridice! Son filence affreux eft l'oracle de mon trépas; par lui-même il n'eft rien; mais féparée de ce que j'aime, voilà la mort & toutes fes horreurs. Que dis-je, cher Époux ? Tu pleures fur ma cendre, je regrette ta vie; quel eft le plus à plaindre ? Je fuis morte à la terre tu vis pour la douleur. Euridice n'eft plus, tout eft mort pour Orphée, tout eft mort! Non, mon amour, dont je vivrai fans ceffe, brûle encore dans ton ame; & cet amour que les plaifirs ni les peines, qu'aucune puissance ne pouvoit augmenter, a trouvé, jufques dans nos malheurs, des feux que le temps, l'ef time, & le bonheur même ne pourroient allumer dans l'ame la plus tendre, des feux dont les Enfers & les Dieux font jaloux. X I. J'Ax ceffé de t'écrire! Quelle abfence pour tous deux ! Mais que la caufe en eft grande & refpectable ! Une mere ! Qui, cette mere fi tendre, cet objet douloureux de mes regrets éternels ma mere, enfin, s'eft préfentée à moi dans ces jardins fortunés... Ah! subtime reconnoiffance ! j'ai prefque oublié dans fon fein.... Pourrois-tu m'en faire un crime? Non, non, qui sçait aimer fa mere, fçait adorer fon époux. L'une & l'autre en filence, pénètrées d'amour & remplies des fentimens profonds de la nature, combien nos cœurs se devinoient! Muettes dans nos transports, nos ames s'entendoient trop bien pour ofer emprunter le foible organe de la voix ; nos foupirs précipités formoient tous nos difcours, & nos larmes toute notre éloquence. O mere vénèrable & chérie Nulle douleur pouvoit - elle nous troubler? Non, la feule joie la joie la plus douce eft réciproque entre nous; plus heureufes de nous raffembler pour jamais chez les morts, qu'on ne peut l'être fur la terre au milieu du bonheur des hommes. Oui, elle a revue fa fille infortunée, comme un fils égaré retrouve fa mere affligée, & je la preffe dans mes bras, comme une mere éperdue embraffe fes enfans les plus chers. X I I. IL eft après la mort un privilège de la mort même, dont les ombres font icibas une eftime infinie, & qui femble les confoler du jour qu'elles ont perdu : c'est cette fiere égalité que les deftins ont refufée aux Dieux, à ces Dieux humiliés, qui du fein de leur puiffance immortelle font tous fubordonnés entre eux; Jupiter même eft foumis au Deftin, tandis que chez les morts le plus vil des humains est égal à tous les Rois. Ah! pour Euridice le droit orgueilleux des ombres cede au devoir le plus tendre; ma mere eft ma mere, & du jour qui m'a vû naître, l'égalité ne peut exifter entre nous; morte puis-je ceffer d'être fa fille ? S'il est dans les Cieux une loi plus forte que les les Dieux même, il eft auffi, parmi les hommes juftes, un être univerfel au-deffus du Destin: la nature. Que fi cette ombre augufte eut exigé de moi.... Moi, te laiffer partir! Oui, je n'ai même attendu ni fes defirs, ni les tiens, mon ame s'attachoit à la fienne fans m'éloigner de toi, & je connois ta générosité: pouvois-je offrir à l'auteur de mes jours un plus beau facrifice? Si j'en fçavois un plus illustre, je voudrois le confommer encore; mais je fuis libre, & te fuivrai fur la terre. Telle eft ma fenfibilité, tel eft le devoir d'épouse & de fille, & la première loi que le Ciel m'impofe; tels font mes principes, c'eft par eux que je t'aime, tu les partages, & je préviens tes vœux : c'eft ainfi qu'après la mort, & pendant la vie, je refpecte les Dieux, j'obéis à ma mere, & fuis digne de mon Époux, E |