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honte de tourmens ! quelle horreur!

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Ah! que ma mort eft douce! qu'elle dure à jamais elle m'a convaincu de ton amour, de ta fidélité, tous mes defirs font remplis, voilà mon bonheur, mes plaisirs ; & tu veux que je vive? Non, ce n'eft point la vie, c'est mon époux que j'aime, je l'attends, il me cherche; O mort! je te rends graces, je dois à tes fureurs autant qu'à l'amour même.

X XI V..

JE vous devine, Orphée : admis à

l'audience de Proferpine, vous avez vu fon cœur s'intéreffer à nos vœux. Mais qu'en dois-je augurer? Surprise, enchantée de tant d'amour, n'a-t-elle ofé réunir ce que le deftin même ne fauroit féparer long-tems? Senfible à nos malheurs, & pourtant incertaine, confent-elle au départ d'Euridice, ou veut-elle enchaîner Orphée dans ces lieux? Elle vient de vous entendre ! vous favez captiver la fiere volonté des Dieux même, & fon cœur ému, troublé, fans doute, fes fens qui font exquis, tous fes charmes à portée du plus auftère des hommes, les vôtres.

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qui font fi palpables! . Hélas ! je ne fais plus qu'une ombre infortunée !

I

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Sont-ce là les obftacles?..... Non non, c'est trop offenfer mon époux, c'eft trop me déprifer, peut-être. Mor te, je vaux encore à fes yeux tout oui, tout ce que les cieux azurés renferment de plus aimable. Votre féjour dans l'Élifée me donne cet orgueil qu'infpire quelquefois la vertu. Oui, s'il n'avoit aimé que mes appas, Orphée languiroit fur les bords du Pénée, il gémiroit encore fur ma cendre, & quelque Theffalienne plus belle qu'Euridice m'eût bien-tôt effacée . Non, la Déeffe des fombres bords, en vous comblant de fes faveurs, n'a point jetté fur mon époux des regards adultères; quelle Reine osât jamais s'écarter du devoir ? Au-deffus de moi-même, & dépouillée des paffions terreftres, je ne puis craindre de foupçons injurieux; Orphée fait compatir aux écarts d'une imagination pure &

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délicate, inacceffible aux vains tranfports des fens; mais un regard fans objet, une attention légère, un mot indifférent tout ce qui n'eft pas un fentiment réfervé pour me plaire, me blesse & m'humilie; c'est ainsi que je croyois l'aimer; Si les Dieux aiment autrement, je plains les Dieux, ils font moins heureux que les hommes. Il eft fans doute, il eft des mortels, dirai-je, fortunés auprès d'une Déeffe? Des mortels audacieux, & dignes d'allarmer l'honneur des Dieux même. D'où vient que je frémis? Ah! fi le Monarque des morts, fi ce Dieu jaloux de toute la Nature, laiffoit tomber fur Orphée fes foupçons & fa rage, s'il étoit la victime d'une folle apparence? Car enfin, Proferpine eft hi belle! que moi-même. . . . Oh! non, fes illuftres appas nourris dans les Enfers font faits pour éclipser les cieux jamais pour éblouir un fage; un fage!

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Ah! je le crois, fans doute; pourrois-
je redouter fes bienfaits, fes careffes.
même, dont elle vient d'accabler mon
époux ? Vous, qui les partagez., vous
favez mieux que moi tout ce qu'ils ont
de réel, d'agréable, peut-être ! Orphée,
vous voulez tenir d'elle mon retour à
la vie, & cet honneur fans égal, vous
paroît auffi flatteur que ma conquête,
il faut que j'y confente, il faut
Ah! tu rougis, barbare! Proferpine
t'adore, je l'ai vu dans ta lettre, je l'ai
lu dans mon ame; tu ne peux t'en défen-
dre, & déja ta reconnoiffance éclate

dans tes difcours.

vie que je déteste

...

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...Quoi, cette

ces jours brillans que je méprife, je pourrois les devoir aux bontés de ma rivale! Crédule,j'accompagnerois mon époux, & fon cœur fixé au fond du Tartare, me laifferoit fuivre Orphée fur la terre? Ah! fi ce cœur perfide ne veut pas m'y conduire,

!

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