feu qui me confume, l'étincelle des fens? Epouse infortunée! je croirois donc adorer mon époux, & l'aimerois à peine? Cruelle incertitude! horrible mort! foumise à toutes tes rigueurs, je dois jouir du moins de toute ma tendresse. Ah ! fi je n'aime Orphée, mon ame n'est plus rien, elle n'est qu'un vain nom, qu'un néant que j'abhorre. Expirer chez les hommes, n'eft pas de nos deftins le revers le plus fatal; mais n'avoir plus d'amour, c'eft perdre tout fon être . . . . . Non, non, les Dieux feroient injuftes, ils cefferoient d'exifter eux-mêmes: vivre ou mourir dans ces deux Univers, ne feroit plus pour nous qu'un tourment femblable, indifférent aux Dieux inutile aux Mortels, à la nature entiere. ... Orphée, raffurons-nous, ces Dieux en nous formant ont placé le bonheur au-delà même du trépas: oui, j'aime encore avec 'délices, ce n'est point un vain doute, une erreur fantaftique; c'eft un fentiment pur, un élan fi divin, un plaisir si durable ! Ah! fi, pendant la vie, la nature s'éleve au-deffus d'elle-même, il eft donc pour mon ame, dépouillée des organes fensibles, un sixième fens plus vif & plus fublime, qui m'enivre fans ceffe d'amour & de tranfports! XXVIII. XX VII I. SUIS-JE, enfin, délivrée de ces fètes infernales dont j'étois l'objet myftérieux? Combien il m'a fallu dévorer ma douleur, étouffer mes foupirs! Les Chars ont volé dans la carriere, & les Démons les plus fuperbes y cherchoient un honneur que les Courfiers couverts de gloire remportoient avant leurs Maîtres. Le peuple des ombres coupables parcouroit triftement un Temple ovale éclatant de lumieres, où des Furies de toute efpèce, & d'un front fans pudeur, faifoient rougir l'ame la plus hardie. Plus loin flottoient fur les eaux du Cocyte des barques fans rameurs & fans voiles, où des Atheletes armés de lances, n'ofant fe difputer la victoire, tomboient lâche L ment dans l'onde & raviffoient des cœurs barbares. Hélas! tous ces jeux, fi frivoles dans leur ftérile abondance, fi dépourvus de graces & de génie, font faits pour infpirer le mépris des talens & le dégoût des plaifirs. J'attirois fur moi feule les regards étonnés du vulgaire; l'envie, toujours intéreffée autant qu'ambitieufe, vouloit m'humilier, & defiroit mon fort: l'effaim des vils flateurs ferpentoit à mes pieds; ils croyoient m'enivrer de l'encens du pouvoir fuprême. Qui? moi, Souveraine en ces horribles lieux ? Ah! cher Orphée, il n'en eft rien, fans doute: Euridice, dans la faveur eut obtenu par les bienfaits ce qu'on cherche par les tourmens & la vertu toujours récompenfée eut défarmé le vice au milieu des Enfers. Χ Χ Ι Χ. GRACES aux Dieux ! Il est outré de mes refus humilians, & piqué de ma résistance, il renonce.... Ah ! j'aime à m'en flatter, les Dieux fçavent-ils reculer? Ils offenfent, & puniffent, ils exigent fans ceffe, ils femblent commencer le bonheur des foibles mortels, & ne fouffrent pas qu'ils l'ache-. vent eux-mêmes. J'ai vu l'inftant heureux, où, fans qu'il m'en coutât qu'un peu de fierté naturelle, j'arrachois de fon orgueil rebuté, ce que jamais peutêtre, je n'obtiendrois de fa clémence; dépourvu de tendreffe, l'amour le plus violent est le plus méprifable: l'infenfible Pluton pourroit-il aimer autrement? Son fuperbe amour-propre étonné de mes dédains, le tourmente bien |