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ESSAIS

DE NICOLAS FREEMAN,

RECUEILLIS ET PUBLIÉS

PAR M. A. JAY.

Quis non invenit, turbà quod amaret in illâ?

OVID.

PARIS,

CERIOUX jeune, libraire, quai Malaquais, no. 15.
Chez DARGENT, libraire, rue de l'Odéon, no. 34.
LE NORMANT, imprimeur-libraire, rue de Seine,

1812.

n°. 8.

AVIS

DE L'ÉDITEUR.

Des circonstances particulières ont

ES

fait tomber entre mes mains l'Ouvrage que je donne au Public. Nicolas Freeman, auteur des pages suivantes, étoit d'origine écossaise : son grand-père, gentilhomme du comté de Perth, ayant offert un asile au prince Edouard, après la bataille de Culloden, devint suspect au gouvernement anglais, et fut obligé de passer en France avec sa famille. Il alla s'établir dans les environs de Bordeaux. Son fils, David Freeman, s'appliqua au commerce des vins avec tant d'activité et de bonheur, qu'il acquit une fortune considérable; il mourut en 1789. Nicolas, fils unique

de David, perdit, dans le cours de la révolution, une partie des richesses que son père avoit amassées ; cependant il lui restoit un revenu suffisant pour vivre à Paris dans une honorable aisance. Il s'étoit logé près du Luxembourg, rue de Vaugirard, hôtel d'Ecosse, où il rassembloit ses amis une fois par semaine. J'avois l'honneur d'être de ce nombre, et je l'aimois beaucoup, parce qu'au travers de quelques bizarreries de caractère, on voyoit qu'il avoit un bon cœur et un bon esprit.

Vers la fin de juillet dernier, il fut attaqué de cette fièvre que les docteurs nomment pernicieuse, parce qu'il faut bien qu'ils donnent un nom. quelconque à toutes les maladies; ce qui est plus aisé que de les guérir. Comme je n'ai pas dans la médecine une confiance illimitée, j'aurois voulu qu'on laissât à la nature le soin de tirer d'affaire notre pauvre Freeman; mais il se trouvoit là un

héritier qui prit feu à cette proposition, et me taxa d'extravagance et d'inhumanité ; il fit venir à la hâte des médecins de tous les quartiers de Paris; et vingt-quatre heures après mon ami n'existoit plus.

Une heure avant sa mort, car il conserva sa tête jusqu'au dernier moment, il me fit appeler, me présenta une petite clef, et me dit : Ouvrez ce bureau, et regardez à droite, vers le fond; vous y trouverez un rouleau de papiers lié d'un ruban bleu. Je me conformai à son intention. Il prit les papiers d'une main tremblante: Vertueux Kerkabon, s'écria-t-il, en se ranimant un peu, voilà tout ce qui restera de nous sur la terre; je vais te rejoindre dans un monde meilleur; il me seroit trop cruel de mourir sans cette espérance! Alors quelques larmes s'échappèrent de ses yeux presqu'éteints : ce fut son dernier effort. Je voyois bien qu'il vouloit encore me parler;

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