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dans les lettres; mais il en résulta un autre mal. Les auteurs pullulèrent; on devint fameux avec un gros dictionnaire ou avec un quatrain dans 1: l'Almanach des Muses; Dorat et Diderot eurent leur culte. Les poëtes chantoient le temps des -cinq maitresses, et détruisoient les mœurs; les philosophes bâtissoient l'Encyclopédie, et démolissoient la France.

Toutefois, des figures respectables se montroient dans les arrière-plans du tableau. Elles appartenoient presque toutes à l'ancienne magistrature. Quelques-unes de nos familles de robe retraçoient, par la naïveté de leurs mœurs, ces temps où Henri III, venant visiter le président de Thou, s'asseyoit, faute de chaise, sur un coffre. M. de Malesherbes conservoit la science, la probité, la bonhomie et la bonne humeur des anciens jours. On raconte mille traits de sa distraction et de sa simplicité. Il rioit souvent son visage étoit aussi gai que sa conscience étoit sereine. Au premier abord, on auroit pu le prendre pour un homme commun; mais on découvroit bientôt en lui une haute distinction: la vertu porte écrite sur son front la noblesse de sa race. Ce qui prouve le charme et la supériorité de M. de Malesherbes, c'est qu'il conserva ses amis dans les jours de ses succès. Or, le plus grand effort de l'amitié n'est pas de partager nos infortunes, c'est de nous pardonner nos prospérités. Si M. de Malesherbes ne fit que passer dans les affaires, c'est qu'on ne parvient point au pouvoir avec une réputation faite, ou que du moins on n'y reste pas longtemps. Il n'y a que la médiocrité ou le mérite inconnu qui puissent monter et rester aux premières places.

Deux mots échappés à M. de Malesherbes peignent admirablement sa magnanimité. Lorsque le roi fut conduit à la Convention, M. de Malesherbes ne lui parloit qu'en l'appelant Sire et Votre Majesté. Treilhard l'entendit, et s'écria furieux : « Qui vous rend si hardi de prononcer

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Dans ma jeunesse, j'avois formé le projet de découvrir par terre, au nord de l'Amérique septentrionale, le passage qui établit la communication entre le détroit de Behring et les mers du Groënland. M. de Malesherbes, confident de ce projet, l'adoptoit avec toute la chaleur de son caractère. Je me souviens encore de nos longues dissertations géographiques. Que de choses il me recommandoit! que de plantes je devois lui rapporter pour son jardin de Malesherbes! Je n'ai pas eu le bonheur de l'orner, ce jardin, où l'on voyoit

Un vieillard tout semblable au vieillard de Virgile, Homme égalant les rois, homme approchant des dieux, Et, comme ces derniers, satisfait et tranquille.

Mais les beaux cèdres que ce vieillard a plantés, et qui ont grandi comme sa renommée, sont aujourd'hui religieusement cultivés par mon neveu, son filleul et son arrière-petit-fils. C'est avec un plaisir mêlé d'un juste orgueil que je trouve ainsi mon nom uni, dans la retraite d'un sage, au nom de M. de Malesherbes. Si, comme ce nom immortel, le mien ne représente pas la gloire, comme ce même nom, du moins, il rappellera la fidélité.

PANORAMA DE JÉRUSALEM.

Avril 1819.

Monsieur Prévost a pris la vue de Jérusalem du haut du couvent de Saint-Sauveur. On découvre de ce point la ville entière et le cercle presque complet de l'horizon. Cet horizon embrasse, à l'orient et au midi, le chemin de Bethleem, les montagnes d'Arabie, un coin de la mer Morte et la montagne des Oliviers; au nord et à l'ouest, les montagnes de Sichem ou de Naplouse, le chemin de Damas, et les montagnes de la Judée sur la route de Jaffa.

Tous ces lieux, ainsi que les plus petits détails de Jérsualem, sont décrits dans l'Itinéraire, et peuvent servir d'explication au Panorama. Qu'il me soit permis seulement de rappeler le tableau de la ville, en priant le lecteur d'observer deux choses :

1° Mon point de vue, pris de la montagne des Oliviers, est conséquemment tout juste à l'opposé du point de vue de M. Prévost : dans le Panorama, la montagne des Oliviers est en face;

dans ma description, c'est Jérusalem qu'on a | « verrues et à ses taches. Je ne suis François que devant soi.

2o Je me trouvois en Judée au mois d'octobre; le soleil étoit ardent, les cieux étoient devenus d'airain; les montagnes étoient arides, sèches et brûlées. M. Prévost a vu Jérusalem en hiver, par un temps pluvieux et sombre; ce qui convient également à la tristesse du site et des souvenirs. A ces petites différences près, les deux tableaux ont l'air d'avoir été calqués l'un sur l'autre. Voyez donc la description extraite de l'Itinéraire.

Telle est aujourd'hui Jérusalem, et telle la représente le Panorama. Compagnon naturel de tous les voyageurs, m'associant en pensée à leurs périls et à leurs travaux, j'admire trop les arts, j'aime trop les muses pour ne pas me faire un devoir de recommander à la France les talents qui la peuvent honorer. Soyons reconnoissants envers l'homme courageux qui a immolé à son art | sa santé, son repos et sa fortune. Ce n'est encore là que le moindre des sacrifices de M. Prévost : il a eu le malheur de perdre son neveu. Ce jeune peintre, de la plus belle espérance, vrai martyr des arts, est mort à la vue de la Grèce, et son corps a été abandonné aux flots de cette mer qui baigne la patrie d'Apelles. Ainsi toutes les peines sont pour les voyageurs, tous les plaisirs pour nous qui profitons du voyage: nous allons au bout de la terre sans quitter notre patrie. Après tout, c'est toujours là qu'il en faut revenir; et, quand on a vu toutes les villes du monde, on trouve encore que celles de son pays sont les plus belles c'étoit l'opinion de Montaigne.

« Je responds, dit-il, ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages : Je « sais bien ce que je fuis, mais non pas ce que « je cherche. Si on me dit que, parmy les estran«gers, il y peut avoir aussi peu de santé, et que « leurs mœurs ne sont pas mieux nettes que les « nostres, je responds que c'est tousjours gain de « changer un mauvais estat à un estat incertain, « et que les maux d'autruy ne nous doivent pas poindre comme les nostres. Je ne veux pas oublier cecy que je ne me mutine jamais tant contre la France que je ne regarde Paris de « bon œil : elle a mon cœur dès mon enfance, et m'en est advenu comme des choses excellentes. Plus j'ay veu depuis d'autres villes belles, plus

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« par cette grande cité, grande en peuples, grande « en felicité de son assiette, mais surtout grande « et incomparable en varieté et diversité de com« modités, la gloire de la France et l'un des plus « nobles ornements du monde. Dieu en chasse « loin nos divisions! ▾

SUR

LE VOYAGE AU LEVANT,

DE M. LE COMTE DE FORBIN.

Mai 1819.

Monsieur le comte de Forbin, dans son Voyage au Levant, réunit le double mérite du peintre et de l'écrivain : l'Ut pictura poesis semble avoir été dit pour lui. Nous pouvons affirmer que, dessinés ou écrits, ses tableaux joignent la fidélité à l'élégance. Nous avons vu quelques lieux qu'il n'a point visités, comme Sparte, Rhodes et Carthage; mais il a parcouru à son tour des ruices qui ont échappé à nos observations, telles que celles de Césarée, d'Ascalon et de Thèbes. A cela près notre course, quasi la même, a été accomplie dans le même espace de temps. Plus heureux que nous seulement, M. le comte de Forbin avoit un pinceau pour peindre, et nous, nous n'avions qu'un crayon un roi légitime lui a donné de grands vaisseaux pour le transporter en haute mer; et nous, nous possédions à peine la petite barque d'Horace pour raser la terre, biremis præsidio scapha. Nous sommes forcé d'envier au voyageur jusqu'au château dont il s'est défait pour subvenir aux frais de la route : quant à nous, on avoit eu soin de ne nous laisser à vendre que nos coquilles de pèlerin.

:

M. le comte de Forbin s'embarqua à Toulon le 22 août 1817, sur la division navale composee de la frégate la Cléopâtre, de la corvette l'Espérance, des gabares la Surveillante et l'Active. Il avoit pour compagnons de voyage: M. l'abbé de Janson, missionnaire; M. Huyot, architecte; M. Prévost, auteur de beaux panoramas; et l'infortuné M. Cochereau, peintre, et neveu de M. Prévost. La flotte se trouva le jour de la SaintLouis à la vue de la côte de Tunis. « M. l'abbe « de Janson célébra la messe sur le gaillard d'ar « rière. Vingt et un coups de canon et des cris de

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vive le Roi! saluèrent le rivage où saint Louis

« rendit à Dieu sa grande âme. Ce noble souve

⚫nir frappa tout l'équipage. Quel rapprochement « en effet; quel spectacle que celui de ce désert « qui fut jadis témoin du deuil des lis, et qui conserve aujourd'hui les ruines de Carthage'! Otez la religion de ce beau tableau, que resterat-il? Quelques ruines muettes, et la poussière d'un roi.

Le 30 août, près la côte de Cérigo, mourut le jeune Cochereau, qui avoit entrepris le voyage plein de joie et d'ardeur. Dans les projets de ja vie on foublie trop facilement cet accident de la mort, qui abrége tous les projets. C'est pourquoi les hommes ont raisonnablement fixé la patrie au lieu de la naissance, et non pas à celui de la mort, toujours incertain:

Lyrnessi domus alta, solo Laurente sepulcrum.

Les voyageurs débarquent à Milo, où M. Huyot eut le malheur de se casser la jambe. M. le comte de Forbin, demeuré seul avec M. Prévost, se hâte d'aller visiter Athènes.

Il faut lire la description d'Athènes dans le Voyage. M. le comte de Forbin peint avec une expression heureuse ces ouvrages de Périclès, que nous avons nous-même tant admirés. « Chacun d'iceux, dit Plutarque, dès lors qu'il fut parfait, sentoit déjà son antique, quant à la beauté; et neanmoins, quant à la grâce et vigaeur, il semble jusques aujourd'hui qu'il vienne tout fraischement d'estre fait et parfait, tant il y a ne sais quoi de florissante nouveauté, qui empesche que l'injure du temps n'en empire la « vue, comme si chacun desdits ouvrages avoit

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au dedans un esprit toujours rajeunissant, et

notre attachement à la famille des Bourbons; il se figuroit que nous devions être tout-puissant sous le roi. Nous nous sommes bien donné de garde de solliciter la faveur qu'il demandoit auprès des ministres de Sa Majesté : nous aurions craint de faire destituer le pauvre viceconsul, pour nous avoir jadis reçu, par la volonté des dieux, dans la maison de Simonide.

M. le comte de Forbin nous apprend encore, au sujet d'Athènes, que le docteur Avramiotti a écrit en grec une brochure contre nous. Estce qu'il y a des ministériels à Athènes? Sils sont pour Périclès, nous passons de leur côté; mais s'ils sont pour Hyperbolus ou pour Critias, nous restons dans l'opposition. Nous ignorons ce que nous avons fait au docteur Avramiotti : nous le citons dans l'Itinéraire avec toute sorte de consi

dération. Se seroit-il fâché parce que nous avons dit qu'il sembloit un peu fatigué de notre visite? Cela pourtant étoit tout simple: nous devions être très-ennuyeux. Nous sommes done aujourd'hui la fable et la risée d'Argos? Nous tâcherons de nous en consoler, en songeant que depuis le temps. de Clytemnestre on a tenu bien de mauvais propos dans cette ville.

Le voyageur se rembarque, et poursuit sa course vers le Bosphore. Il voit en passant le cap Sunium, où nous nous arrêtâmes, prêt à quitter la Grèce. Arrivé à Constantinople, il se rend chez l'ambassadeur de France. « Les nobles qua«lités de M. de Rivière m'étoient connues, ditil; mais je découvris en lui chaque jour de plus hautes vertus sous les formes les plus franches

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<< et les plus aimables. » Nous n'eûmes point le

une ame non jamais vieillissante, qui les entre-bonheur de rencontrer M. de Rivière à Constan

tinst en cette vigueur. »

tinople; mais nous y fûmes reçu par M. le général Sébastiani avec une hospitalité que nous nous sommes plu à reconnoître, et que le changement des temps ne peut ni ne doit nous faire oublier.

Nous avons beaucoup de descriptions de Constantinople: il y en a peu qu'on puisse comparer, pour l'originalité et la parfaite ressemblance, à celle que l'on trouve dans le Nouveau Voyage du Levant; nous ne pouvons résister au plaisir de la transcrire :

Le voyageur rencontra à Athènes notre ancien hôte, M. Fauvel, si digne de faire les honneurs de la Grèce. Nous voyons aussi que l'archevêque d'Athènes alloit marier son neveu à la sœur de l'agent de France de Zéa. Cet agent est apparemment le fils de ce pauvre M. Pengali qui se mouroit de la pierre lorsque nous passâmes dans son île, et qui n'en marioit pas moins une des quatre demoiselles Pengali, lesquelles chantoient en grec: Ah! vous dirai-je, maman, pour nous adoucir les regrets de la patrie. Le fils de M.« voyageur, des palais d'une admirable élégance, Pengali nous a écrit depuis la restauration; il nous avoit connu persécuté par Buonaparte pour

1 Voyage dans le Levant, pag. 5. 2 Ibidem, pag. 6.

« J'ai vu dans cette ville singulière, dit le

<< des fontaines enchantées, des rues sales et « étroites, des baraques hideuses et des arbres « superbes. J'ai visité Sandalbezestan, Culchi«larbezestan, où se vendent les fourrures. Par

<< tout le Turc me coudoyoit, le Juif se prosternoit « devant moi, le Grec me sourioit, l'Arménien « vouloit me tromper, les chiens me poursuivoient, « et les tourterelles venoient avec confiance se po« ser sur mon épaule; partout enfin on dansoit « et on mouroit autour de nous. J'ai entrevu les « mosquées les plus célèbres, leurs parvis, leurs portiques de marbre soutenus par des forêts de « colonnes, et rafraîchis par des eaux jaillissantes. Quelques monuments mystérieux, restes de la « ville de Constantin, noircis, rougis par les incendies, sont cachés dans des maisons peintes,

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<< bariolées et souvent à demi brûlées. Les figures « les costumes, les usages, offrent partout le spec<< tacle le plus pittoresque, le plus varié. C'est Tyr, « c'est Bagdad, c'est le grand marché de l'O<< rient '. >>

De Constantinople, M. le comte de Forbin descend à Smyrne, où il retrouve M. Huyot chez les pères de la Mission, « à qui, dit le voyageur, «< cet artiste doit incontestablement la vie. » On passe de Smyrne aux ruines d'Éphèse, dont la description est un des plus beaux morceaux du Voyage.

« Je parvins, dit M. de Forbin, avec assez de « difficulté, par une journée brûlante, jusqu'à << la vaste enceinte du temple de Diane. L'ensem

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. A la vue de ces constructions gigan« tesques, il est aisé de concevoir les dépenses qu'elles coûtèrent à tous les peuples de la Grèce « et de l'Asie. On rencontre, derrière le temple « de Diane, un monument circulaire orné de colonnes; un autre, de forme carrée, et au milieu « un emplacement dont le pavé étoit de marbre. « Un édifice assis sur des souterrains est entière«ment tombé. Ces ruines composent un grand << monticule entouré de plusieurs autres, tous for« més des débris portant la merveilleuse empreinte « du goût exquis des Grecs à l'époque brillante « de leur puissance, de leurs succès dans tous les « genres.

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« L'aspect général d'Ephèse me rappeloit celui « des marais Pontins. A l'heure où le soleil des«< cendoit dans la mer, l'harmonie des lignes, la « vapeur chaude des lointains, le voile de cette << heure mystérieuse, for moient un ensemble tou<< chant et mélancolique, supérieur aux plus beaux « paysages de Claude Lorrain. Peut-être un jour, « me disois-je, un homme des Florides viendrat-il visiter ainsi les ruines de ma patrie, et, com« me dans Ephèse, quelques noms seuls demeu<< reront debout au milieu de la poussière des mar«bres et de la cendre du cèdre et de l'airain. Je « me rappellerai longtemps l'impression douce «< et triste de cette soirée : les échos, cachés dans « des conduits profonds, répétoient alors les moin« dres bruits; le frémissement du vent dans les bruyères ressembloit à des clameurs souterrai«< nes; l'imagination croyoit entendre les derniers « sons de l'hymme des prêtres de Diane, ou les chants des premiers chrétiens autour de l'apôtre d'Éphèse'.

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D'Ephèse on arrive à Saint-Jean d'Acre; on suit le voyageur à Césarée, à Jaffa, à Jérusalem,

Voyage dans le Levant, pag. 60 et suiv.

faut remarquer celui de la mosquée d'El-Haram, et une vue de Jérusalem prise de la vallée de Josaphat. En véritable peintre, M. le comte de Forbin a saisi le moment d'un orage, et c'est à la lueur de la foudre qu'il nous montre la cité des miracles. Il nous pardonnera de rappeler quelques lignes de l'Itinéraire, qui nous serviront à décrire son tableau: « L'aspect de la vallée de Josaphat est « désolé le côté occidental est une falaise de « craie qui soutient les murs gothiques de la ville,

à la mer Morte, au Jourdain ; on revient avec lui | toire d'Ismaïl et de Maryam. Parmi les dessins il à Jaffa; on l'accompagne avec le plus vif intérêt à Ascalon, et dans le désert qu'il traverse pour se rendre à Damiette; on remonte le Nil avec lui jusqu'au Caire, de là jusqu'à Thèbes, où se termine sa course comme arrêtée par des monceaux de ruines. L'Égypte ressemble à ses colosses: renversée dans le sable, l'œil du voyageur, qui n'auroit pu l'embrasser tandis qu'elle étoit debout, Een mesure avec étonnement les proportions gigantesques et les énormes débris. On remarque un contraste singulier dans les monuments égyp-« au-dessus desquels on aperçoit Jérusalem le tiens immenses en dehors, en dedans leurs di- « côté oriental est formé par la montagne des mensions sont resserrées. Dans ce vaste tombeau « Oliviers et par la montagne du Scandale. . . qui semble écraser la terre, dans cette haute py.. Les pierres du cimeramide qu'on aperçoit à quinze lieues de distance, on ne peut entrer qu'en se courbant. Tandis que sa masse indestructible annonce extérieurement la grandeur et l'immortalité du génie, sa capacité intérieure offre à peine la 'place d'un petit cercueil : ainsi ce tombeau semble faire le partage exact des deux natures de l'homme.

C'est avec un charme particulier qu'en parcourant les tableaux de M. le comte de Forbin nous reconnoissons dans ses personnages nos anciens hôtes, ces vertueux Pères de Terre-Sainte, encore plus malheureux aujourd'hui qu'ils ne l'étoient lorsqu'ils nous reçurent dans toute la charité évangélique. Nous avons revu, non sans attendrissement, le nom du père Clément Perez et celui du bon père Munoz au cœur limpide e bianco: nous nous sommes réjoui en apprenant que M. Drovetti occupe une place auprès du pacha d'Égypte; mais puisqu'il devoit adopter une patrie étrangère, nous aurions mieux aimé que celle qu'il a si honorablement servie l'eût reconnu pour son enfant. Homère étoit bien heureux. Lui donnoit-on l'hospitalité, il mettoit le nom de son hôte dans ses ouvrages, et voilà son hôte immortel: nous autres obscurs voyageurs nous ne pouvons payer les soins qu'on a pris de nous que par une stérile reconnoissance.

Nous sommes obligés d'abréger les citations de l'ouvrage de M. le comte de Forbin, parce qu'il faudroit trop citer; mais nous recommandons particulièrement aux lecteurs les descriptions d'Ascalon et de Césarée, de ces deux villes encore debout, mais sans habitants, telles que le prophète nous représente Jérusalem assise dans la solitude, ou le port de Tyr battu par une mer sans vaisseaux. On verra avec plaisir la touchante his

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<< tière des Juifs se montrent comme un amas de « débris au pied de la montagne.

« A la tristesse de Jérusalem, dont il ne s'é« lève aucune fumée, dont il ne sort aucun bruit; « à la solitude des montagnes, où l'on n'aperçoit « pas un être vivant; au désordre de toutes ces « tombes fracassées, brisées, demi-ouvertes, on "diroit que la trompette du jugement s'est déjà a fait entendre, et que les morts vont se lever dans « la vallée de Josaphat. »

On ne sauroit trop louer le voyageur d'avoir porté dans la Terre-Sainte des sentiments graves: avec un esprit de doute et de moquerie il n'auroit rien vu, et il auroit tout défiguré. Nous admirons le grand Voyage d'Égypte; nous rendons hommage aux gens de lettres et aux artistes qui l'ont exécuté; mais nous souffrons quand nous voyons commenter les livres de Moïse avec une assurance qui fait de la peine, pour peu qu'on ait quelque connoissance des langues originales. Expliquer la colonne de nuée et de feu qui conduisoit les Hébreux dans le désert, par un réchaud cylindrique dans lequel on entretient un feu vif et brillant, en y brúlant des morceaux très-secs de sapin, n'est-ce pas une imagination un peu trop philosophique? L'auteur a-t-il trouvé l'histoire de ce réchaud dans quelque antique manuscrit arraché au tombeau d'Osymandué? Non: il s'appuie de l'autorité du xxiv numéro d'un journal intitulé le Courrier de l'Égypte, imprimé au Caire, où Buonaparte avoit établi la liberté de la presse pour les Arabes. On nous permettra de nous en tenir à la version du Pentateuque. Le texte ne dit point du tout un réchaud, mais une nuée; nous ne voulons pas citer de l'hébreu. Les Septante et la Vulgate traduisent exactement.

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